Bassins à Flot : Des incertitudes pesantes en marge du projet Imprimer
Vendredi, 07 Février 2014 12:05

 Sev-Mathieu

Dire que le projet de requalification urbaine du quartier des Bassins à flot ne fait pas que des heureux est un euphémisme.

 Autour du plan d’eau, un vaste périmètre, à vocation essentiellement industrielle, est appelé à muter en une zone mixant logements, commerces et bureaux. Pour les entreprises installées de longue date sur place, et dont les activités sont incompatibles avec la future identité du quartier, l’inquiétude grandit.

« On est dans le flou artistique »

Depuis 2006, Séverine Poueydebasque et son cousin Mathieu Gonzalez dirigent la SARL Poueydebasque Gonzalez, une entreprise familiale créée par le père de Séverine, il y a plus de trente ans et spécialisée dans l’achat, la vente et la réparation de palettes. Installée boulevard Alfred Daney, sur un terrain de 4 hectares appartenant au port de Bordeaux, cette société n’est pas directement concernée par la première phase d’aménagement des Bassins à flot. Mais elle a néanmoins la certitude que tôt ou tard, lors d’une phase ultérieure du projet, elle devra déménager : « en mai 2012, une réunion avait été organisée par le port et la Ville pour les entreprises qui, comme nous, sont situées sur le boulevard Alfred Daney, raconte Mathieu Gonzalez. Un responsable du port autonome nous avait dit qu’à l’horizon 2014/2015, nous devrions "dégager" et trouver un autre site. Nathalie Delattre, l’adjointe au maire du quartier, nous avait dit que la mairie ne laisserait pas tomber les entreprises mais depuis deux ans, nous n’avons pas eu de nouvelles. On est dans le flou artistique.» « C’est vraiment agaçant, nous ne savons rien et personne ne nous aide à trouver un site, ajoute amèrement Séverine Poueydebasque. Nous avons besoin d’une grande superficie pour notre activité et ici, nous sommes proches du centre routier, des axes de communication, d’une zone d’activité et nous sommes bien intégrés dans le quartier. Les habitants nous soutiennent. Nous envisageons de faire des travaux mais on se pose des questions. Est ce que cela vaut le coup puisqu’on risque de partir ? On ne peut pas investir parce que nous sommes dans le flou.»
Pour ces deux jeunes patrons, qui emploient douze salariés, cette incertitude est pesante : « ce qu’on craint, c’est qu’on nous dise du jour au lendemain qu’on a six mois pour partir, redoute Mathieu Gonzalez. Comment ferait-on dans ce cas là ? Ce n’est pas en claquant des doigts qu’on va trouver un site de taille équivalente et aussi bien situé.»

Juppé en appelle au Port

Ces inquiétudes, le maire de Bordeaux Alain Juppé s’en est ému lors du conseil municipal du 27 janvier dernier. Réagissant aux critiques de l’opposition au sujet de sa réticence concernant l’installation d’une activité de maintenance des yachts de luxe aux Bassins à flot, il a évoqué la situation des entreprises déjà installées dans le quartier : « rien n’est fait pour les entreprises qui sont déjà sur le site des Bassins à flot et qui sont menacées par le projet, a-t-il expliqué. J’ai pris contact avec le port pour que des solutions leurs soient proposées. Ce que je voudrais, c’est qu’on leur permette de se réinstaller à proximité. Beaucoup aujourd’hui sont dans la difficulté et cherchent des locaux. J’en appelle au port pour qu’il puisse les maintenir sur place parce qu’il y a des dizaines d’emplois qui sont concernés.»
Contactée, la direction de Bordeaux Port Atlantique n’a pas souhaité s’exprimer et pourtant, selon l’adjointe au maire Nathalie Delattre, c’est elle qui détient les réponses qu’attendent Mathieu Gonzales et Séverine Poueydebasque : « dans le cadre du Plan de Prévention des Risques d’Inondations, le préfet a gelé une partie du projet et notamment tout le secteur derrière la Base sous marine, sur le boulevard Alfred Daney, explique l’élue. Le port doit donc émettre des solutions. Pour ce secteur, Nicolas Michelin a fait une préconisation, qui est de faire des logements et un espace vert. Mais c’est le port, propriétaire du terrain, qui en a la maîtrise. Le port avance très doucement au fur et à mesure de ses appels d’offres. Pour l’instant, derrière la Base sous-marine, ça n’a pas avancé et il est en phase de réflexion, même s’il sait qu’il récupérera les parcelles. Nous lui demandons de démontrer que tout est fait pour que les entreprises trouvent des solutions de relogement.» La mairie, qui n’a donc pas toutes les réponses, rappelle qu’elle soutient et aide les entreprises dans leur recherche d’un nouveau site. Mais pour Poueydebasque Gonzalez, le temps passe et la visibilité à long terme est toujours nulle. • OSF

 Photo : ©OSF