« L’humour est la forme la plus saine de la lucidité », disait Jacques Brel. Dès ce jeudi soir et jusqu’à samedi, on va rire et réfléchir en même temps avec les Cogitations joyeuses et festives, premières du nom, à l’Entrepôt du Haillan.

Un nouveau rendez-vous dédié aux « arts moqueurs » qui offre de belles têtes d’affiche avec Christophe Alévêque, Sophia Aram, Didier Super entre sketchs et chansonnettes, et une poignée de “conférences gesticulées” avec notamment l’un des maîtres et créateurs du genre, Franck Lepage. Entretien avec Manuel Corneau, le programmateur de l’Entrepôt et du festival.

Aram et ses réflexions sur le vivre-ensemble, Alévêque en cette ère politique troublée, Lepage... On dirait presque que le festival a été conçu en réaction aux événements récents...
En effet, on me le fait souvent remarquer mais, en réalité, non. L’idée du festival est née avec la nouvelle équipe municipale, la maire Andréa Kiss en tête, il y a deux ans déjà. En même temps que le renouveau de l’Entrepôt (notre édition du 23 juin 2015), nous avons imaginé cette formule autour de l’impertinence et des arts moqueurs – humour mais aussi théâtre, dessin de presse… Avec à chaque fois des artistes à même de porter un regard décalé sur l’actualité politique ou sociale.

Le projet était déjà bien avancé lorsque sont survenus les attentats de « Charlie » et il a pris ainsi une triste résonance. Il paraissait difficile, alors, de parler de notions comme les limites de la liberté d’expression. Mais les rencontres déjà prévues comme celles du dessinateur Urbs avec des collégiens nous ont montré qu’il était nécessaire d’aborder ces questions. Dans cette période de mal-être, de crise de la participation démocratique, de montée des extrêmes, nous avons pris le parti d’en rire avec des artistes qui apportent leur éclairage sur notre époque, sans prosélytisme. Le rire nous rappelle que nous ne sommes que de passage sur cette terre et permet de prendre de la distance.

Sophia Aram, c’est quasi complet, Alévêque s’annonce déjà bien rempli ce soir… En revanche, cinq conférences gesticulées le samedi, c’est un sacré pari, non ?
En termes de notoriété peut-être. Quoique Franck Lepage, que nous avons accueilli plusieurs fois à l’Entrepôt, devrait trouver facilement son public : son « Travailler moins pour gagner plus » avec Gaël Tanguy [et illustré en direct par Urbs, ndlr], sur le droit du travail, tombe en pleine polémique sur la loi travail – là encore, nous avons été rattrapé par l’actualité… Chez lui, on est proche du one man show mais les autres ne font pas des conférences magistrales pour autant : tous abordent de manière décalée des questions de fond comme le service public ou la ruralité, mais avec le sourire. On s’inscrit là dans une démarche de proximité intéressante avec les gens, en les interpelant joyeusement sur leur quotidien… Ce qui ouvre à la discussion. Et à 5€ seulement, ça devrait être accessible au plus grand nombre. Est-ce que ça prendra ? C’est la grande inconnue.

La 2e édition est déjà sur les rails. Mais les “cogitateurs” ne sont pas légion dans le paysage de l’humour français. Est-ce que ça va être facile de se renouveler ?
J’aime bien ce mot, je vais le faire mien : des “cogitateurs”, il y en a quand même un certain nombre. Peut-être pas tant que ça pour les grandes têtes d’affiche comme Bedos ou Stéphane Guillon mais il y en a beaucoup de moins connus. Et puis “Cogitations festives et joyeuses” ne veut pas nécessairement dire “humoristes”, les arts moqueurs recouvrent une variété de formes – le théâtre par exemple. Pour la deuxième qui durera quatre jours, sans trop en dire, nous avons envie d’explorer plus avant le dessin de presse et tisser plus de lien avec le tissu des artistes de l’agglo bordelaise. Comme on ne s’est pas mis de carcan, je n’ai pas d’inquiétude pour la suite. •

Recueilli par Sébastien Le Jeune

Alévêque (ce jeudi soir 20h30) et Sophia Aram (samedi 20h30, dernières places) 20-25€ ; Didier Super (samedi 18h) et Franck Lepage (demain 20h30) 8-12€.

Détails et billetterie : lentrepot-lehaillan.com

Photo : En plus des têtes d’affiche comme Alévêque (en Une), une série de “conférences gesticulées” pour un regard drôle et décalé sur notre société – ici Christophe Abramovski sur la souffrance au travail © DR