Bon, ok, chez Chahuts, on n’aime pas trop les anniversaires. Mais pour cette 25e édition, jusqu’à dimanche, le quart de siècle est aussi une façon de revenir à ses racines, la parole et le conte. Pour sa dernière en tant que directrice, Caroline Melon nous raconte ce cru 2016 au parfum engagé.

Chahuts 2016 est marqué par un retour aux arts de la parole – aux contes, mythes et légendes en particulier…
C’est vrai. La chose est apparue au fur et à mesure qu’on composait la programmation, et on s’est dit que ça tombait bien. En regardant la violence du monde, il nous a paru d’autant plus nécessaire d’offrir des propositions simples qui permettent le collectif. Et quoi de mieux pour ça que de se retrouver à seulement écouter une histoire ? Au travers de relectures du mythe d’Ulysse façon slam par Marien Tillet [demain mercredi 20h30, 8-12€, ndlr], les « 1001 Nuits » dans la bouche du conteur Jihad Darwiche [vendredi 23h-5h, 15€, restauration incluse] ou les variations autour du mythe d’Icare par cinq jeunes conteurs [vendredi, 20h, 8-12€], il y a une transmission didactique d’histoires très humaines, qui ont une fonction, celle de “faire société”.

Et puis il y a aussi un versant plus surprenant : la politique.
En effet. L’idée a germé avec les manifestations après les attentats de Charlie, il y a un an et demi : on s’est dit qu’il fallait en faire quelque chose, qu’on ne pouvait pas faire comme si ça n’existait pas. Or, la parole, première forme de la politique, on s’aperçoit qu’elle est confisquée dans plein d’endroits, dans plein de contextes. Comme le terme de “classes sociales” : à entendre dire que « ça va, ça n’existe plus, c’est bon », on confisque le mot, annihilant tout combat possible.

Pourtant, Cécile Delhommeau et Anthony Pouliquen montreront que ça n’est pas le cas. Elle avec « Témoin », où elle raconte le mariage entre un fils d’ouvrier et une bourgeoise [jeudi, 12h15 gratuit, 19h 8-12€], lui avec une conférence gesticulée intitulée « Une autre histoire des classes sociales » [jeudi 20h30, gratuit]. Et tous deux ont animé les ateliers qui ont abouti à la « Bibliothèque humaine », 12 histoires-témoignages vécus par des habitants autour de la discrimination et de l’émancipation, qu’ils vous diront eux-mêmes [samedi 11h-13h et 15h-17h].

Et ce n’est qu’un début. Après 4 ans centrés sur Saint-Michel et le projet « Travaux : vous êtes ici » [le film qui a suivi tout ça est projeté ce mardi soir à l’Utopia, 20h, 4€], nous repartons sur un projet d’envergure métropolitaine avec de nombreux partenaires : le projet “Campagne”, où l’on a confié le soin à des binômes artistes-scientifiques de travailler autour des discours politiques actuels. Un projet qui aboutira en 2017, notamment lors de la prochaine édition de Chahuts.

Et puis ce cru 2016, c’est aussi votre dernier. Sans regret ?
J’ai un énorme pincement au cœur bien sûr, et sensible comme je suis, je vais sûrement souvent verser ma larme – d’émotion, pas de tristesse. Mais après 12 ans à la direction de l’équipe, je suis heureuse pour Chahuts, qui va se renouveler avec de nouvelles têtes pleines d’énergie et de liberté. Et heureuse pour moi : je vais pouvoir me consacrer à plein temps à mes propres projets artistiques que j’ai démarrés il y a trois ans, comme « Le Monde de demain » dont on avait pu voir l’un des volets lors de Chahuts 2014... •

Recueilli par Sébastien Le Jeune

Y aura aussi du foot !
Non, Chahuts ne “s’en foot” pas ! Ce n’est pas parce que l’Euro la prive de la place Saint-Michel pour le traditionnel bal du samedi soir (qui aura donc lieu “à domicile”, au “7e Étage et demi”, le QG du 28, rue du Cloître) que l’équipe Chahuts va passer l’événement sous silence, au contraire : vendredi, le QG deviendra “fun zone” avec un tournoi du jeu vidéo FIFA (dès jeudi), des animations et blind tests thématiques par Ricochet Sonore et, en point d’orgue, le match d’ouverture France-Roumanie commenté en direct avec la mauvaise foi qui va bien par Christophe Hayem et Jonathan Hénault (21h, gratuit). Place Saint-Mich’, samedi, on jouera en vrai lors d’un tournoi de foot à six (16h30, inscription jusqu’à demain), juste avant le battle hip hop d’Animaniaxxx (19h, gratuit).
Jusqu’à dimanche, on retrouvera les fondamentaux : balades dans le quartier avec les “Greetchahuteurs” (sur réservation) ou au casque (jeudi soir), relaxation matinale, propositions participatives comme un “bouche à oreille” (demain et samedi) ou « Les Mots bleus » de Jonas Laclasse (lire p.6)... Mais aussi du spectacle jeune public, un “bingo music” et une conférence de l’auteur de SF Alain Damasio sur notre sombre avenir high tech (21h, et en lecture dès 18h à la Zone du Dehors).  

Tél. 05 56 92 22 27 et www.chahuts.net

Photo : Dernières places à saisir pour la Nuit du conte samedi, où Jihad Darwiche déroulera les « 1001 Nuits » © Mysluk