En 2016-2017, le TnBA ouvre grand les yeux sur le monde Imprimer
Mercredi, 22 Juin 2016 06:00

Du joyeux, du fou-fou, du qui-fait-réfléchir, des stars du théâtre – de Joël Pommerat à Jean-Michel Ribes ! – et bien sûr des classiques... Encore une “saison Marnas” au Théâtre du port de la Lune qui s’annonce du feu de dieu.

 

 

Et pourtant le contexte n’est pas facile, entre les subsides publiques qui se raréfient, rendant plus compliqué de « poursuivre à la fois de l’ambition dans la diffusion et le soutien à la création », comme le souligne la directrice du TnBA, Catherine Marnas, et des attentats qui ont entre autres frappé la culture au cœur l’an dernier (et ont limité les sorties scolaires, notamment).

En dépit de ces écueils, la saison passée s’est achevée par une affluence impressionnante – 60 590 spectateurs pour un taux de remplissage de 94% (dont 33% de jeunes et d’étudiants, chose rare dans les centres dramatiques nationaux), en partie « grâce au travail formidable bien que “souterrain” des équipes de médiation et d’action culturelle ». Mais qu’on pourra attribuer aussi aux choix de programmation de la directrice, savant panaché de populaire, de découverte et de plus pointu.

¡ Viva la Revolución !
La saison à venir est du même tonneau et ne devrait pas manquer de connaître un succès similaire. Voire supérieur puisque Catherine Marnas enfonce le clou des séries, encore plus longues pour laisser la chance à tous de voir les pièces : en tout, 7 000 fauteuils en plus seront offerts. Le nombre de propositions, lui, reste peu ou prou le même avec 31 spectacles. D’une grande diversité, avec tout de même quelques thématiques fortes qui se dégagent, en particulier un « fil rouge révolutionnaire ».

Au sens strict si on s’en tient à la reprise de la création 2015 de Marnas, avec l’agitateur « Lorenzaccio » de Musset qu’elle remaniera en janvier ; à « La Folle Journée ou Le Mariage de Figaro » de Beaumarchais, comme annonciateur de la Révolution française (mis en scène par Rémy Barché, un ancien du Conservatoire de Bordeaux) ; aux spéculations pré-Révolution qui changent un paysan en “nouveau riche” dans un Marivaux injustement méconnu, « L’Héritier du village » (avec la “star” de la 2e promo de l’ÉSTBA Julie Teuf, et deux musiciens du groupe Aline sur scène) ; aux premiers jours de cette fameuse Révolution enfin, passés à la moulinette Joël Pommerat dans « Ça ira (1) Fin de Louis », triple Molière 2016 !

Sans oublier l’ombre de Condorcet planant sur « Des Territoires (Nous sifflerons la Marseillaise » de Baptiste Amann. Un jeune auteur et metteur en scène soutenu jusqu’ici par le Glob Théâtre et la Pépinière du Soleil Bleu de Laurent Laffargue, de même que Solenn Denis et son Collectif Denysiak, dont on verra le nouveau « Spasmes », folle histoire de famille sous la coupe d’un père qui se prend pour Elvis.

Famille, je vous aime
Ceux qui aiment les histoires de famille trouveront leur compte aussi avec « Les Grandes Eaux » d’Anna Nozière, loufoque tentative de faire revenir un proche d’entre les morts ; les jours d’enterrement si vivants du Collectif In Vitro dans « Catherine et Christian (fin de partie) » ; le regard fasciné sur la figure de la mère dans « Moeder » des Peeping Tom, suite toujours danse-théâtre du « Vader » vu la saison passée ; ou encore les terribles « Scènes de violences conjugales » de Gérard Watkins...

On le voit, même sans être tous révolutionnaires, chaque spectacle semble porter un certain regard, toujours engagé, sur le monde. En octobre, pendant le FAB, le monde d’après les hommes, bien mieux avec des taupes géantes dans la dernière fantaisie visuelle de Philippe Quesne (« La Nuit des taupes », photo de Une), et celui d’après-“Charlie” dans l’œil des sœurs estoniennes Lond Malborg (« 99 Words For Void »).

Plus tard, le “rire de résistance” emprunté aux dadaïstes par Jean-Michel Ribes (« Par-delà les marronniers/Revu(e) »), les rêves d’un monde meilleur d’un enfant martyrisé devenu grand par les Chiliens Pablo Larraín & Roberto Farías (« Acceso »), l’enfer du bureau dans une scénographie épatante avec tournage en temps réel signé Cyril Teste (« Nobody »)... Même les kids y ont droit avec notamment la fable écologique « La Part du colibri », là aussi servie par une chouette scéno – et on en profitera pour remarquer que les quatre spectacles jeune public auront désormais une date le samedi !

Un petit dernier pour la route ? Non, deux : un « Cid » de Corneille avec Yves Beaunesne aux manettes, ça ne se loupe pas. Et la mise en scène Marnas de l’année, la grande fresque espagnole « Comédies barbares », en novembre. Déjà créée, c’était le spectacle de fin de cursus de la 3e promo de l’ÉSTBA : à admirer avant que nos jeunes talents filent vers d’autres horizons – et c’est déjà bien parti ! •

Sébastien Le Jeune

 

Ouverture billetterie jeudi 30 juin (hall Vitez pendant les travaux) ; présentation de saison le mercredi 29 juin, sur réservation : www.tnba.org

Photo : Alexie Ribes et Michel Fau dans la « Revu(e) » de Jean-Michel Ribes ; travelling sur la violence du monde de l’entreprise avec « Nobody » ; « La Part du colibri », dystopie où les animaux ont disparu à voir en famille ; à peine dipômée, la 3e promo de l’ÉSTBA donnera six représentations de « Comédies barbares » © Giovanni Cittadini Cesi / Simon Gosselin / Agnès Mellon / Maitetxu Etcheverria