On the road again : Wax Tailor en interview avant son concert samedi à Cenon Imprimer
Jeudi, 17 Novembre 2016 07:00

Avec un album aussi canon que « By Any Beats Necessary » (Le Lab’oratoire), pas étonnant que le concert de Wax Tailor, samedi au Rocher de Palmer, affiche déjà complet. Pas grave, on l’a interviewé quand même.

 

 

« Hit The Road », en ouverture, annonce la couleur “road trip” à l’américaine. D’où vous est venue cette idée ?
En raison d’un triste calendrier, je suis rentré en studio la même semaine que l’attentat de « Charlie Hebdo ». Chacun y a réagi à sa manière mais, moi, j’avais besoin d’un échappatoire. Et c’est là que j’ai pensé “j’irais bien sillonner les USA”. Pas forcément l’Amérique réelle que j’ai parcouru en tournée, non, plutôt me projeter dans une Amérique fantasmée. Ça peut paraître compliqué, dans le contexte américain d’aujourd’hui : il y a Trump, d’accord, mais il y a une autre Amérique, celle de Démocrates comme Bernie Sanders qu’on ne montre pas souvent – il faut passer outre la facilité à montrer du doigt et stigmatiser sans se poser de question. C’était donc un échappatoire lucide, pas idéaliste mais avec le besoin de rêver un peu.

Sur cet album, on reconnaît instantanément votre patte, votre son. Il n’y avait pas d’envie de rupture, de changement radical ?
On parle souvent du cap des 10 ans, d’une certaine lassitude que pourrait ressentir un artiste pour son projet. Or, moi, non. Se renouveler reste une question constante mais pas une source de stress. J’ai la chance que le public ne semble pas se lasser et que chaque nouvelle personne dans mon entourage m’apporte un regain de fraîcheur. Alors je n’avais pas envie d’un virage à 180°, une révolution, un grand soir… Et j’étais encore moins en quête de retours du genre « cette fois c’est l’album de la maturité » (rires). Moi, c’était le premier – je ne dis pas ça par arrogance mais, quand mon premier album est sorti, j’avais 30 ans, pas 19, et ça faisait 10 ans que j’y réfléchissais.

On vous connaît pour vos lives organiques, avec des musiciens en chair et en os. Mais quid de la composition ?
Je vais vous dire : c’est du 100% organique. Vous savez, on m’a vite accolé une étiquette electro – un mot que je trouve vide de sens – alors qu’en réalité, je viens de la culture hip hop et j’ai grandi imprégné de soul, de funk, de jazz, de blues, de rock psyché… Ma matière première, ce que je donne à mes machines, ce sont des samples, des fragments du passé.

Après, c’est vrai que, pour passer en live, j’aime m’entourer de musiciens. Ils seront quatre cette fois et, grande nouveauté, j’aurai un batteur – le grand saut ! Insuffler de l’humain dans l’armature rythmique donne un vrai supplément d’énergie sur scène. À mes côtés, j’aurai aussi une Bordelaise, Marine Thibault [alias Cat’s Eyes, ndlr], ma flûtiste préférée, celle dont le jeu me parle le plus. Et puis il y aura Idil que vous pouvez entendre sur l’album. Elle m’a contacté via Facebook et ça a été un coup de cœur vocal. Elle avait ce côté petit animal sauvage, peu d’expérience mais un talent prometteur. J’aimerais ensuite l’accompagner, réaliser son premier album et le sortir sur mon label.

Justement, en 10 ans, vous n’avez jamais été tenté de vous rapprocher d’une major ?
Pour tout vous dire, dès la sortie du premier album, j’ai été approché plusieurs fois, et j’ai rencontré des gens, écouté leurs propositions… par curiosité. Je sais qu’un tel accord pourrait me délester d’une bonne partie du travail, me donner de gros moyens mais je ne veux pas qu’on se mêle de tout, d’artistique – une pochette, une affiche, ça ne regarde que moi. Alors c’est mieux comme ça. Et j’en retire une petite fierté quand j’entends des artistes de la nouvelle scène me dire que ma façon de faire les a inspirés. Un peu à la manière d’agriculteurs en recherche d’autres circuits de distribution, je crois qu’il y a quelque chose de politique à défendre la musique autrement. •

 

Recueilli par Sébastien Le Jeune

Au Rocher de Palmer (Cenon), samedi 19 novembre, 20h30, 25,80€. COMPLET, tél. 05 57 59 11 70.

Photo : Le beatmaker français Wax Tailor a mis en musique son “American Dream” © Géraldine Petrovic