Le Frac coince la bulle : l'expo "BD Factory" ouvre ce jeudi soir Imprimer
Jeudi, 19 Janvier 2017 06:00

Ce soir, le Frac Nouvelle-Aquitaine vernit sa toute nouvelle expo, « BD Factory ». Aussi passionnante sur le fond que réussie dans la forme, elle explore les liens pas si distendus entre art contemporain et bande dessinée.

 

 

« J’ai osé ! » sourit Claire Jacquet, directrice du Frac et commissaire de cette exposition. Osé s’attaquer à un univers dont elle n’était pas si familière, le neuvième art. Mais son envie de plus en plus présente « de croiser l’art contemporain avec plein d’autres choses » a été la plus forte, l’élargissement de la région et la rencontre avec l’équipe de la Cité de la BD et de l’Image d’Angoulême, partenaire de l’expo, faisant le reste.

D’emblée, un avertissement s’impose : « Ne pas croire que l’on va voir de la BD », prévient Claire Jacquet. Si quelques auteurs de bande dessinée sont bien présents, c’est parce qu’ils sont aussi exposés dans les musées et galeries – Winshluss, Paul B. – ; pour le reste on a bien affaire à de l’art contemporain. Un art et des artistes qui ont mis le temps avant de s’emparer de ce médium. « Très tard même, reprend la commissaire – on oublie souvent que la BD remonte au XIXe siècle, avec la “littérature en estampes” du Suisse Rodolphe Töppfer. Il faudra attendre les années 1960, la sortie de l’académisme et le pop art pour que les artistes s’en inspirent – Roy Lichtenstein, Andy Warhol et sa Factory à laquelle le titre de l’expo fait un clin d’œil. J’ai voulu montrer comment se traduisait cette filiation aujourd’hui. »

Mickey détourné et manga industriel
Quand les artistes se piquent de BD, c’est en pensant narratif, en détournant ses codes et ses grandes figures. Mickey, par exemple, devenu « Geometric Mouse » sous la patte de Claes Oldenburg (1971), voit plus tard sa revue “Mickey Parade” copieusement caviardée par Richard Fauguet ou simplement prise en photo par Pierre-Lin Renié (le visiteur pourra d’ailleurs partir avec un exemplaire). Certains usent du croisement dessin-écrit pour dire le monde, ses gens et son histoire (Pauline Fondevilla, Géraldine Kosiak), d’autres conservent la grille pour retranscrire leurs rêves (Jim Shaw).

On verra également des piques lancées à un art devenu aussi industrie. Pierre Huygue qui a retrouvé la voix française de « Blanche-Neige » en procès avec Disney. Et qui montait en 1999-2000 avec son complice Philippe Parreno (dont les bulles avec phylactères gonflées à l’hélium tapisseront le plafond du Frac) le fascinant projet « Ann Lee », personnage de manga de seconde zone acheté à un studio japonais en produisant à la pelle, recyclé de mille manières, en dessin, en affiches (photo de Une), en vidéo, par leurs soins et de nombreux autres artistes dans leur sillage.

Le héros de BD devenu objet de consommation transparaît aussi dans la fresque réalisée in situ par Louis Granet. L’une des trois créations nées avec l’expo, avec l’impressionnant « Échiquier (tome 1) » du collectif In Wonder (unissant artistes et dessinateurs de l’École supérieure de l’Image d’Angoulême) qui invoque « De l’autre côté du miroir » de Lewis Carroll pour renvoyer une image du monde d’aujourd’hui « à la façon d’un rébus ». Et avec enfin les peintures de la dessinatrice Camille Lavaud façon affiches de vieux films noirs... en plus drôle (« Nuit pourrave ») – à voir aussi en reproductions à la gare Saint-Jean et à la gare Montparnasse à Paris.

Mais « BD Factory », c’est aussi tout un programme d’animations – dont un “yoga des super-héros” (!) en famille les 11 février, 18 et 25 mars et 8 avril, sur inscription (3€) – et de rencontres. Première ce samedi à 15h30 avec les artistes Suzanne Husky et Géraldine Kosiak. •

Sébastien Le Jeune

Au Frac Nouvelle-Aquitaine (Bassins à flot, Hangar G2), jusqu'au 20 mai, lundi-vendredi 10h-18h, samedi 14h30-18h30, gratuit.
Vernissage ce jeudi à 18h30, entrée libre. www.frac-aquitaine.net

Photo : De la case de BD à celle de l’échiquier de Lewis Carroll, il n’y avait qu’un pas franchi par In Wonder, collectif de Johanna Schipper (absente), Régis Pinault, Emmanuel Espinasse et Henri Lemahieu © Bordeaux7 / SLJ