Nouveau dessein pour les Bassins à flot Imprimer
Lundi, 10 Octobre 2016 06:00

 

BAF1206-LBDevant la grande maquette des Bassins à flot, à la Maison du projet, une dame d’un certain âge harcèle de questions le médiateur.« Est-ce qu’il y a de la vie dans le quartier ?, demande-t-elle. Des endroits où faire ses courses ? Des médecins ? » La future acquéreuse d’un appartement des Bassins à flot se dit sceptique. « Pour l’instant, je ne vois que des grues et de la poussière. Il va falloir me convaincre, jeune homme ! » 

Le médiateur montre du doigt les cafés, les restaurants, signale l’ouverture prochaine d’un Monoprix et d’un autre supermarché. « Les futurs propriétaires ont besoin d’être rassurés », souffle-t-il en aparté. Beaucoup viennent aussi au hangar G2 pour se renseigner sur le temps des chantiers ou les rues barrées.

3 000 des 5 500 logements du programme des Bassins à flot ont été livrés. Les premiers habitants sont arrivés en décembre 2014. 12 000 vivront en 2025 dans ce quartier de Bacalan autour de deux plans d’eau qui, pendant presqu’un siècle, étaient intégrés au port de Bordeaux. 

« Tout est allé très vite », reconnaît Nathalie Delattre, adjointe au maire en charge du quartier Bordeaux Maritime. Quasiment toutes les semaines, l’élue prend une demie-journée pour aller saluer les nouveaux habitants. « Beaucoup de seniors s’installent ici, relate-t-elle. Il y a aussi des familles et des étudiants. » 

Le bruit pointé du doigt

Retour en 2009. Le 9 décembre, l’urbaniste et architecte Nicolas Michelin présente en réunion publique son projet pour les Bassins à flot. Une ville dans la ville où, sans faire fi du passé portuaire, il imagine des immeubles d’habitation, des écoles, des entreprises. L’urbanisation se fera sous la forme d’un programme d’aménagement d’ensemble (PAE), un système bien plus souple qu’une zone d’aménagement concerté. 

Ni la Ville ni la Métropole ne sont propriétaires du foncier mais elles négocient avec les promoteurs qui contribuent financièrement aux équipements du quartier. Le projet séduit d’emblée. Et pour cause : qui n’a jamais rêvé de vivre au-dessus d’une “marina au cœur de la ville” comme le vantaient certaines plaquettes ? 20 opérateurs immobiliers se portent volontaires. 87 architectes dont certains très renommés apposent leur signature à des immeubles, hôtels, équipements collectifs ou écoles.

« Les Bordelais ne connaissaient pas les Bassins à flot. C’est quand le pont Chaban-Delmas a ouvert qu’ils sont venus et ont vu le potentiel de ce quartier », raconte Nathalie Delattre. À l’inverse de Ginko, essentiellement résidentiel, les Bassins à flot mixent sur les 160 hectares du PAE activité économique, formation, tourisme, loisirs et logements. 

Avec des totems comme la Cité du vin, le siège social de Cdiscount, le futur musée de la Mer ou en 2020 un cinéma UGC de 13 salles (un recours retarde actuellement le projet), tous les ingrédients sont réunis pour séduire investisseurs immobiliers et potentiels acquéreurs.

Certains appartements avec terrasses sur les toits et vue directe sur les plans d’eau y ont été vendus à plus de 5 000€ le mètre carré. 35% des logements sont dits sociaux.

Dans cette jolie carte postale, certains sujets fâchent. Plusieurs dizaines d’enfants ont fait leur rentrée dans des préfabriqués (voir page 4). Beaucoup de nouveaux résidents se plaignent de la poussière des chantiers. Plus grave, le bruit, la nuit à la sortie des discothèques comme le H36 ou le Theatro, a fait démultiplier le nombre de pétitions. Le projet de déménagement et d’agrandissement de l’I.Boat ne plaît pas à tout le monde.

Autour de la grande maquette, notre visiteuse de la Maison du projet hésite et regarde le médiateur. « À mon âge, je m’en fiche des boîtes de nuit. Comment je vais me faire des amis dans ce quartier ? »

Laurie Bosdecher

Photo: 20 opérateurs immobiliers participent au programme qui mêle logement, campus de formation, entreprises, équipements dédiés au tourisme et aux loisirs ©LB