Les Chartrons, label bordelais Imprimer
Lundi, 23 Janvier 2017 06:00

« Les Chartrons sont comme le vin de Bordeaux. Ils sont une vitrine et contribuent à la réputation de la ville ». Ce fut vrai dans le passé quand la préfecture girondine était encore un port et que les négociants stockaient barriques et bouteilles dans les chais du quartier. C’est encore vrai aujourd’hui. « Mais on oublie qu’il y a encore 20 ans, personne ne voulait venir habiter les Chartrons », poursuit Anne-Marie Cazalet, maire adjointe du quartier.

Les lieux étaient, raconte-t-on, mal famés. Aujourd’hui, entre le cours Xavier-Arnozan et le cours du Médoc (les anciens disent que les Chartrons s’arrêtent à la rue Borie), le mètre carré est devenu rare et cher. « Le quartier attire les néo-Bordelais qui ont des moyens. Ils arrivent souvent en famille avec des enfants en bas âge, confie Brice David, le directeur de l’agence bancaire Crédit Agricole sur la place Paul-Doumer. Les grandes maisons partent souvent au-dessus de 600 000 euros. Et pour un T2, il faut compter au moins 160 000 euros. »

Quartier « bobo » et épicurien

Les Chartrons doivent en grande partie leur renaissance à la rénovation des quais. Dans un premier temps, les façades donnant sur la Garonne ont été nettoyées et les immeubles rénovés. Les premières vues étant prises, promoteurs et agents immobiliers se sont ensuite intéressés aux immeubles dans les rues donnant sur les quais. Des chais ont été réhabilités en lofts, bureaux et appartements, des maisons qui menaçaient de s’écrouler ont été rachetées pour des bouchées de pain et remaniées.

Entre la rue Poyenne et la rue Barreyre, Domofrance a dans les années 2 000 aménagé la ZAC (zone d’aménagement concerté) des Chartrons, comprenant à la fois des commerces (rue du Faubourg des Arts), une école, des équipements sportifs et des logements. « C’est un paradoxe. Le quartier des Chartrons est celui qui a été le plus rénové ces 20 dernières années à Bordeaux mais c’est aussi celui qui a su le plus gardé son âme, estime Anne-Marie Cazalet. On y trouve toujours ce même esprit de village. ».

Il suffit d’aller faire un tour dans la rue Notre-Dame pour saisir cette atmosphère unique à Bordeaux. Les commerçants se retrouvent au café du bar Notre-Dame le matin et connaissent sur le bout des doigts les histoires des uns et des autres dans le quartier.

Habitats encore insalubres

« Depuis quelques années, il y a beaucoup de cavistes et restaurateurs. Nous sommes un quartier épicurien et assez fier de l’être », observe Brice David. Il y a quinze ans, quelques terrasses se battaient en duel sur la place de la halle des Chartrons. Aux beaux jours, les parasols jouent désormais au touche-touche sur le parvis Le soir, cadres et étudiants, nombreux dans le quartier, se mêlent sur les terrasses. Assez doués pour cultiver l’ambiance villageoise, les Chartronnais sont souvent qualifiés de « bobos » (bourgeois bohèmes). Ils cultivent plantes et fleurs sur leurs balcons ou devant leur pas de porte, fréquentent les magasins bios, se fournissent aussi en légumes dans les Amap du quartier et les deux « Ruches qui disent oui », circulent en vélos ou triporteurs s’ils ont des enfants en bas âge.

Ces images un peu clichés masquent une autre réalité des Chartrons. Tous ceux qui vivent dans le quartier et ont besoin de voiture pour aller travailler à l’extérieur de Bordeaux ont un mal fou à stationner. Les Chartrons sont desservis par deux lignes de tramway (la B et la C), mais le cours Saint-Louis et le cours Portal sont en permanence embouteillés aux heures de pointe.

Au-delà du cours de la Martinique, certaines familles ou personnes isolées continuent à vivre dans des habitats à la limite de l’insalubrité. Nuisances sonores et poubelles jetées dans la rue sont le lot quotidien de certains habitants.

Photo : La rénovation des quais a donné aux Chartrons une nouvelle destinée.  ©Archives Sud Ouest