Xavier Viton : « Ce Trianon mythique m’a mis les larmes aux yeux » Imprimer
Mercredi, 01 Mars 2017 06:00

Jean-Pierre Gil le qualifie de « l’homme de toutes les audaces et de tous les possibles ». Trois questions à Xavier Viton, qui a repris fin 2012 l’exploitation du Trianon, en plus des deux théâtres qu’il avait créés quelques années plus tôt, le Café-théâtre des Beaux-Arts à Sainte-Croix, et le Théâtre Victoire.

 

Est-il vrai que vous avez signé tout de suite ?
Oui et non. Ce qu’il faut savoir d’abord, c’est que j’avais commencé ma carrière en tant que chanteur... au Trianon ! Au fil des soirs, j’avais sympathisé avec Jean-Pierre Gil, une personne tellement loquace, gentille, souriante, que je ne pensais pas qu’il était le propriétaire du lieu – je pensais que c’était le concierge ! (rires) C’est ainsi qu’est née la relation sans complexe que j’ai avec lui.

Alors vous imaginez mon émotion quand Jean-Pierre m’a appelé près de 20 ans plus tard pour me demander de reprendre en main le Trianon ! Je lui ai dit d’abord que, trois théâtres, ce ne serait pas sérieux pour un (encore à l’époque) jeune directeur de théâtre. Mais j’ai quand même demandé à le visiter... et j’ai craqué. Un vrai coup de cœur : ce lieu mythique, centenaire, m’a mis les larmes aux yeux. Alors j’ai dit à Jean-Pierre : « Je préfère avoir des remords que des regrets, je tente le pari. »

Y programme-t-on de la même manière que dans d’autres quartiers ?
C’est vrai qu’il y a une différence entre les quartiers, et c’est tant mieux. Bordeaux n’est pas une ville lisse et c’est pour cela que je l’adore. L’atmosphère peut changer mais nous, artistes, on ne fait aucune différence entre les spectateurs. Le théâtre est pour cette raison un lieu de lien social extraordinaire. En fait, on peut faire venir les gens dans n’importe quel lieu de Bordeaux : si le spectacle est bon, le bouche-à-oreille marchera forcément. L’important, c’est que les artistes portent chaque soir la même attention à donner le spectacle parfait au public.

Après, pour le Trianon, nous avons trouvé une formule adaptée avec mon partenaire, le scénographe Nicolas Delas, en nous inspirant du “temple de l’humour” de l’ancien exploitant du lieu, Kléber Harpain, qui a tenu les rênes 30 ans [à partir de 1924, nldr] en reprenant des succès parisiens avec une troupe bordelaise. En misant aussi sur des décors et des costumes d’une qualité qu’on voit de moins en moins même à Paris. Et sur une communication moderne – merci Internet, qui a sauvé la vie de bien des théâtres !

Ce qui a changé la donne pour nous, c’est le prestige. Disposer d’un tel écrin en plein cœur de Bordeaux nous a offert un regain de crédibilité, une plus grande visibilité, tant auprès des confrères et des partenaires que du public.

Le lieu joue dans le fait que de plus en plus de stars viennent y roder leur spectacle ?
Bien sûr ! Le fait qu’il soit beau et agréable d’y jouer pour un artiste y est pour beaucoup. Si on ajoute le fait qu’en bon Périgourdin d’origine, je suis très attaché à l’accueil et au confort, des artistes comme du public, eh bien, plus ça marche et plus ça se sait.

Avec juste ce qu’il faut de concessions pour faire rayonner le lieu, nous avons réussi au début à attirer de grands noms comme Alévêque ou Stéphane Rousseau... Et ainsi nous avons pu avoir récemment une Camille Lellouche en plein boom ou un Jamel Debbouze pour trois soirs... qui restait jusqu’à trois heures du matin au théâtre tellement il s’y sentait bien ! •

Recueilli par Sébastien Le Jeune

Photo : Xavier Viton a réussi à refaire du magique théâtre à l’italienne le “temple de l’humour” qu’il fut autrefois. © Archives G. Bonnaud / Sud Ouest