Tété dans les nuages mais les pieds sur terre : échange autour de son dernier album avant sa venue à Barbey mercredi prochain Imprimer
Mercredi, 30 Novembre 2016 06:00

Rares mais précieuses, chacune des sorties d’albums de Tété. On l’avait laissé avec le voyageur « Nu là-bas » (notre édition du 28 mars 2013), le voilà de retour avec son « projet Pierrot Lunaire ». Il nous en parle avant sa venue à Bordeaux mercredi prochain entre showcase Fnac et concert à Barbey.

 

« La Réalité », « Persona non grata », « Chanteur sous vide », « Tragique Infortune », « La Mélancolie »... Des titres comme une triste litanie ? C’est vrai, si les airs restent entraînants et les refrains se reprennent en chœur, le fond de l’air est frais du côté du chanteur. « J’ai écrit tout ça dans le même état d’esprit que celui de l’immense majorité des Français : on est tous mis devant une réalité de plus en plus odieuse qui s’impose à nous. »

Pour fil rouge, donc, un propos encore plus engagé que d’habitude en partant de l’histoire de Pierrot Lunaire, « un personnage ballotté entre réalité et absurde, qui n’arrive plus à se dépatouiller avec cette réalité ». « Plutôt que de changer la réalité, il se rend compte qu’il peut aussi changer le regard qu’il porte dessus. Rêveur, mélancolique, il s’attèle à retrouver le regard d’enfant qu’il a perdu. » Et ça touche, les mots font mouche. Quand il charge contre Monsanto, contre « le temps des marchands où tout a un prix mais rien n’a de valeur » ou les migrants abandonnés à leur triste sort. Quand il retrouve les plaisirs simples, « La Fête » ou « N’être que soi ».

Car il est là tout le propos. Loin du seul constat désabusé sur un monde en perdition. « On entend tous des gens crier leur désir de partir, ailleurs, loin, demain, c’est forcément mieux – rares sont ceux qui le font vraiment. Dans l’album, la lumière, elle est de se dire que son salut, on peut le trouver au coin de la rue, pas forcément à l’autre bout du monde. » Le salut, le dénouement, attendra la dernière de ces 15 chansons conçues comme les chapitres d’un livre, « Ma Bohème ». « Changer son regard, c’est aussi sanctuariser sa part de rêve. Aujourd’hui on est sans cesse sollicité, des alarmes, des alertes, des push... qui nous rappellent qu’on ne va pas assez vite ! Pris dans cet étau, rétablir la souveraineté du rêve, c’est une façon de rentrer en résistance par rapport à la réalité. Il faut voir ses amis, jardiner, consacrer chaque jour du temps à ce qui ne produit pas de richesse mais crée du sens. »

Une sagesse à partager mercredi en duo avec son complice le bassiste Thierry Fanfant. •

Sébastien Le Jeune

Tété, « Les Chroniques de Pierrot Lunaire » (FFW/BMG), prix nouveauté Fnac 14,99€
En concert mercredi 9 décembre à Barbey, 20h30, en vente notamment à la Fnac 24€ (plus frais de loc.).

 

Photo : L’album retrouve le son folk-blues épuré des débuts pour servir un propos toujours engagé © Jérôme “Juv” Bauer