Avec son roman « Prendre les loups pour des chiens », Hervé Le Corre dans le no man’s... Landes Imprimer
Mardi, 28 Février 2017 06:00

Avec Le Corre, le roman noir se consomme très noir et bien serré. C’est ce qui fait de l’auteur bordelais l’un des plus grands du genre en activité dans l’Hexagone.

 

 

Rien de “cocardier bordelais” à cela, il suffit de regarder le pedigree du bonhomme pour s’en convaincre : Prix Mystère de la critique 2005 pour « L’Homme aux lèvres de saphir » puis à nouveau en 2010 pour « Les Cœurs déchiquetés » qui lui a valu également le Grand Prix de littérature policière 2009, Prix «Le Point» du Polar européen 2014 pour son avant-dernier « Après la guerre...». Et on en passe.

Et tout ça, en gardant pour cadre le Bordeaux et la Gironde où il est né. Sans donner dans le roman régionaliste, Hervé Le Corre parvient à tisser des drames humains universels avec un regard saisissant sur la misère sociale – héritage d’une jeunesse à Bacalan qui lui a laissé le cœur à gauche.

Avec « Prendre des loups pour des chiens », son 11e roman, on se dit que l’auteur pourrait encore une fois décrocher une ou deux timbales ou, à tout le moins, inscrire son nom toujours plus près de ses prédécesseurs français, les Manchette et autres figures du panthéon de la littérature noire.

Chaleur suffocante
Pourtant, avec son style qui se fait ici immédiat, tranchant, présent et passé composé uniquement, et cette chronique sans enquête d’un naufrage familial, les idoles anglosaxonnes sont plus présentes – la critique, louangeuse, cite Ron Rash ou Edward Hopper, lui invoque son “maître” Larry Brown.

L’histoire, c’est celle de Franck, 34 ans, tout juste sorti de 5 années de prison à la place de son grand frère pour un braquage commis en commun. Franck, « échoué à la sortie de prison dans un nid de couleuvres aux prises avec des crotales ». Le cadre, c’est l’entrée dans la “diagonale du vide” girondine, les Landes de Gascogne, la campagne assez désolée des environs d’Uzès. L’atmosphère, suffocante, comme la chaleur « lourde et compacte, posée sur toutes choses comme si la nuit ne l’avait jamais dissipée. »

Et au centre de tout, l’incursion du désir, celui de Franck pour Jessica, la compagne de son frère, un personnage pourtant délétère et instable par la profondeur de ses meurtrissures. Une nouveauté pour l’écrivain qui avait soigneusement évité le sexe jusqu’ici, et qui s’en sort avec la force de l’élégance.

Une dérive âpre dont on ne sort pas indemne. •

Sébastien Le Jeune

 


Hervé Le Corre, « Prendre les loups pour des chiens » (Payot - Rivages), en vente à la Fnac, 19,90€

Photo : Hervé Le Corre était jusqu’à l’an dernier encore prof de lettres au collège Berthelot de Bègles © Philippe Matsas