Installé en face du centre Saint-Christoly de Bordeaux depuis octobre dernier, l’hôtel-bar-restaurant Mama Shelter  a rapidement fait le plein, suscitant d’abord la curiosité des branchés avant de fidéliser une clientèle plus classique. Et aujourd’hui ? On est allé tester.

L’accueil des portiers, un peu rude il y a quelques temps, s’est visiblement radouci et s’avère cordial en ce vendredi soir qui débute calmement. Aiguillée par une responsable de salle très affable, on trouve sans trop de mal un tabouret libre près du bar, entre un groupe de quadragénaires élégants et rigolards et deux jeunes femmes qui discutent plus calmement. 



Stylé donc pas donné...


Les tarifs ne sont pas à la portée de n’importe qui (10€ minimum le cocktail), mais se justifient par la qualité du service et l’originalité de la décoration. Derrière le comptoir, un serveur souriant, chemise cintrée, nœud papillon, cheveux gominés et accent latin, s’empresse de nous servir, engageant un habile ballet avec ses collègues tout aussi lookés que lui, comme cette blonde platine en débardeur Metallica qui dévoile ses nombreux tatouages. Au fond de la salle, derrière la grande baie vitrée de la cuisine, le corps de ballet porte un costume plus conventionnel : veste blanche et toque de cuisinier. À 20h, on est loin du coup de feu : ici, on dîne tard - des plats assez soignés mais qui ne cassent pas trois pattes à un canard (fish and chips, entrecôte ou… jambon-coquillettes).



Bel endroit pour une rencontre...


La musique est éclectique – hip-hop, funk, électro – et à un niveau idéal pour papoter, alors on en profite pour se glisser dans la conversation de nos voisines trentenaires, chargées de mission au Conseil régional, qui viennent ici en « afterwork » de temps en temps. « On préfère arriver tôt, avant que ce soit bondé », explique l’une d’elles. « L’ambiance est sympa, on se croirait à New-York », renchérit l’autre, « enfin, je suppose : je n’y suis jamais allée ! » Poussées à la confidence, elles constatent qu’elles font « un peu baisser la moyenne d’âge », et remarquent que le rétroéclairage du comptoir, s’il crée une atmosphère agréable, « creuse drôlement les cernes et ne met pas les gens à leur avantage.»


Pascal, 45 ans, ne se focalise pas sur ce type de détails. Entouré de ses copains chefs d’entreprise, à tu et à toi avec les serveurs, il passe régulièrement ses soirées ici, appréciant le décor et la « belle clientèle.» Célibataire, il ne veut pas avouer qu’il vient pour draguer – « de toutes façons, Bordeaux c’est tout petit, on finit par connaître tout le monde » - mais baisse quand même le ton et coule des regards en douce quand débarque un groupe de jeunes femmes soigneusement brushées. Avant de sortir griller une cigarette dehors, il fait remarquer que les riverains seraient moins incommodés si le Mama Shelter s’équipait d’un fumoir. Le lieu dispose en effet d’un immense sous-sol où se trouvent des tables de ping-pong qui n’ont pas l’air très utilisées. Pas plus que le baby-foot en ce début de soirée, ni, bien sûr, la ribambelle de bouées qui complètent le décor et contribuent à l’esprit du lieu, ludique, convivial et décalé. •


Anne Chaput

Photo : Ambiance colorée, musique éclectique, personnel haut en couleur... Le Mama Shelter mise à fond sur son caractère atypique © AC