Les Français n’ont pas inventé le pain mais au fil des siècles, il est devenu l’un des symboles de l’art de vivre hexagonal.

A l’étranger, lorsqu’on imagine le bon vivant de notre pays, il est coiffé d’un béret, tient d’une main un cabas comprenant du fromage et du vin rouge et porte sous l’autre bras une belle baguette.

Pour célébrer cet aliment incontournable de la gastronomie française, la Ronde des Quartiers de Bordeaux, la mairie et la Chambre des métiers et de l’artisanat organisent depuis trois ans une fête du Pain à l’occasion de la Saint-Honoré, le patron des boulangers.
Lors de l’événement, qui se déroulera jeudi (veille de la Saint-Honoré) dès 10 heures sur la place Pey-Berland, les consommateurs pourront rencontrer des professionnels et échanger avec eux. Et l’une des premières questions que certains poseront sans doute est de celles qui reviennent le plus souvent aux oreilles des passionnés de belles miches : qu’est ce qu’un bon pain ? Lorsqu’on demande à Christophe Vicier, professeur en boulangerie à l’institut des saveurs et qui participera à cette fête du pain, l’homme esquisse une large sourire : « c’est la grande question, répond-t-il malicieusement. Il n’y a pas de caractéristique bien précise car chaque boulanger a sa note personnelle en fonction de l’acidité, de la forme, de la cuisson. Il y a des gens qui aiment le pain peu cuit, ça se fait beaucoup aujourd’hui, d’autres trouvent ça rédhibitoire.»
Si les goûts et les couleurs ne se discutent pas, Christophe Vicier, lui, a tout de même une idée plus précise de son pain idéal : « pour moi, il faut que la croûte soit épaisse car plus on cuit, plus on caramélise et plus on développe les arômes. Il faut aussi une mie très alvéolée, légère.»



« Il faut du temps »

Pour cet amoureux du pain, le seul critère permettant d’évaluer un produit de qualité est le temps consacré à sa préparation : « pour faire du pain, les étapes sont le pétrissage, le pesage, le façonnage et la cuisson. Il y a deux fermentations, la première entre le pétrissage et le façonnage, la deuxième entre le façonnage et la cuisson. La différence se fait sur le temps qu’on laisse à ces étapes. Si on veut du pain qui a du goût, il faut du temps. On peut faire du pain très vite mais en général, c’est aussi le temps que l’on a pour le manger... Vite et bon, on n’a pas encore trouvé la solution ! »



Qui est boulanger ?

Autre question récurrente : comment reconnaître le vrai boulanger de celui qui réchauffe une pâte congelée ? « Selon la loi du 13 septembre 1993, pour avoir le droit d’afficher une enseigne de "boulanger", il faut que tout ce qui appartient à la catégorie pain ne subisse aucun traitement de surgélation », explique Christophe Vicier. Si le mot n’apparaît pas sur la devanture du magasin, vous savez donc à quoi vous en tenir, même si l’enseigne vante les bienfaits de la tradition... A l’inverse, « dans certaines grandes surfaces, tout est fait sur place donc on peut peut considérer qu’il s’agit d’un boulanger. Mais le processus est mécanisé, il ne requiert presque aucune manipulation manuelle.» Et dans ce dernier cas, le critère temporel fait aussi toute la différence, justifiant ainsi des prix de l’ordre de 40 centimes pour une baguette. « Quand ils achètent là, les gens savent pour quoi ils payent ce prix. Il ne faut pas les prendre pour des idiots. Et pour la même raison, ils savent pourquoi ils payent plus cher chez un boulanger traditionnel.»

Enfin, le professeur veut également tordre le cou à l’idée reçue selon laquelle le pain ferait grossir : « il faut arrêter avec ça, s’agace-t-il. Il y a trente ans, il y avait moins d’obèses et on mangeait plus de pain. Cela devrait faire réfléchir... Le pain est un produit nutritionnel plein de sucres lents, de fibres.» Raison de plus pour s’en payer une bonne tranche ! •

OSF

Photo : Pour Christophe Vicier, il faut du temps pour faire un pain qui a du goût © OSF