« C’est simple, nous sommes des laissés-pour-compte.» Carole Bazin ne cache pas sa frustration et son exaspération. Hier, la jeune femme en fauteuil roulant a participé au rassemblement organisé par les associations de défense des personnes en situation de handicap, dans le cadre d’un mouvement national, devant le tribunal de Grande Instance de Bordeaux.

Une quarantaine de personnes se sont mobilisées pour protester contre le report de l’obligation faîte aux établissements accueillant du public de rendre leur local accessible au 1er janvier 2015. « En 1975, une première loi avait posé les bases concernant les normes d’accessibilité, explique Brigitte Larbodie, directrice de l’APF (Association des Paralysés de France) en Gironde. Puis en février 2005, une deuxième a renforcé cette disposition en fixant une date butoir, le 1er janvier 2015, avec des sanctions en cas de non-respect.

 ça laissait quand même le temps...»
Pour les personnes en situation de handicap, l’espoir était immense. Mais en février, le gouvernement a reculé : « des maires ont dû faire pression, dire que c’était compliqué et cher, donc pas possible à réaliser en période de crise », regrette la directrice. L’application de cette loi sur l’accessibilité devrait ainsi être reportée à 2018, voire 2024...



« La pilule est amère »

La mobilisation organisée hier traduit bien le sentiment de tous ceux qui, à travers ce volte-face, se sentent considérés comme « des sous-citoyens » « La pilule est amère car on a l’impression de s’être fait trahir, tromper, reprend Brigitte Larbodie. On a l’impression qu’il y a pourtant une volonté politique mais cet immobilisme depuis 40 ans est révoltant. Pourtant, la mise en accessibilité rendrait service à tout le monde et pas seulement aux personnes en situation de handicap. Dans notre société, il y aura de plus en plus de personnes âgées, c’est important aussi pour les mamans avec des poussettes, pour les gens qui ont des béquilles... C’est consternant.»

Au quotidien, ce déficit d’accessibilité, surtout dans une ville comme Bordeaux, où le centre historique est particulièrement inadapté, est pénible à supporter pour ceux qui le subissent. Pour Carole Bazin, chaque jour ou presque prend l’allure d’un parcours du combattant  : « si nous voulons aller au restaurant, nous devons aller dans des fast food, les grands restaurants sont inaccessibles. C’est pareil dans beaucoup de magasins. Les petits quartiers sympas comme Saint-Pierre, c’est impossible d’y aller. Nous devons rester sur les grandes axes. Si je veux aller au tribunal, je dois passer par le sous-sol et sonner pour prendre un ascenseur. C’est tout un bazar et il faut presque s’excuser d’être handicapé. C’est aberrant, minable. En fait, je crois juste qu’on coûte trop cher...» •

Photo : Une quarantaine de personnes se sont rassemblées hier à Bordeaux © OSF