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Ken Wong-Youk-Hong : L’oeil ouvert, le coeur aussi |
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Mardi, 09 Septembre 2014 06:00 |
Sur sa page Facebook, Ken Wong-Youk-Hong publie des photos du monde de la rue à Bordeaux. Des portraits sensibles sans sensiblerie, des images opportunes sans opportunisme, son regard sur un monde qui n’est a priori pas le sien. Rencontre.
Dans son costard en ce mardi matin, Ken Wong-Youk-Hong a la classe. Cela vaut mieux pour son travail : il vend les costumes élégants d’une marque à la mode, dans une grande enseigne chic bordelaise. Assis en terrasse, il interrompt la conversation quand passe sur le trottoir un couple avec un chien. On les qualifiera pudiquement de «marginaux». Ils s’arrêtent lui faire la bise, donnent des nouvelles de quelques personnes, puis reprennent leur chemin. Et Ken sa conversation. De la récup’ à la photo
« Un jour je suis allé amener des vêtements à Titi près des Galeries Lafayette. J’avais mon appareil photo alors il m’a demandé de le photographier avec sa chienne malade. Il pensait qu’elle allait mourir, il voulait un souvenir. J’ai pris la photo, je lui ai ramenée dans un cadre. A partir de là, d’autres sont venus vers moi pour que je les photographie avec leurs chiens. Voila comment tout a commencé.» Peu à peu, l’appareil photo s’est installé dans la relation. Et dans la vie de Ken, qui ne s’y attendait pas vraiment. «J’ai commencé la photo il y a deux ou trois ans, quand ma femme m’a offert un appareil. Puis il y a eu ces photos de rue et c’est là que j’ai commencé à m’intéresser à la technique.» Pendant presque un an, il prend environ 4000 photos, en publie quelque 300. Ses portraits d’hommes et femmes de la rue sont accompagnés d’un texte court qu’il rédige «pour figer l’instant», souvent à partir des propres mots de ses "modèles". « Les photos me servaient aussi pour justifier mes collectes de vêtements à mes proches. Et puis il y a eu de jolies histoires grâce à leur publication : Caro a reçu des jouets pour ses enfants ; certains me disent aussi que des inconnus sont venus leur parler dans la rue parce qu’ils les avaient vus en photo sur ma page.» Ken s’en réjouit, même s’il n’avait rien prévu. « Ce ne sont pas des photos opportunistes. Derrière tout ça il y a beaucoup de temps passé avec eux.» Trop, peut être ? «A un moment je me suis rendu compte qu’il fallait se mettre des limites pour ne pas risquer de basculer, pour préserver sa vie personnelle. Et puis je voulais en faire trop pour les aider, on m’a remis à ma place avec raison.» Sans couper les liens, Ken a repris un peu de distance avec ce monde de la pauvreté extrême. Pas avec la photo. Car s’il la joue modeste quand on lui dit que le résultat est épatant, il se rend bien compte qu’il a «un oeil» et aimerait bien continuer à «creuser ce sillon», «en amateur». Sur sa page, les portraits de rue en noir et blanc alternent désormais avec des portraits en couleur d’hommes et de femmes issus des quartiers, «loin des préjugés». Une expo est prévue, un livre aussi. Cet oeil n’est pas prêt de se refermer... • Sophie Lemaire L’Oeil de Ken est sur Facebook; Ken Wong-Youk-Hong parlera de son travail jeudi soir à la Pecha Kutcha Night au H14 (entrée libre) Photos : en haut "Kévin, jeune sans abris, montre le regard qu'il fait pour se sortir de situations compliquées dans la rue". https://www.facebook.com/EchangePhotographique?fref=ts
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