Un petit air de nostalgie plane depuis quelques temps sur le cours de l’Yser. Dans ce quartier populaire du centre de Bordeaux, au droit du cours de la Marne et à deux pas des Capucins, les habitants regrettent le temps, pas si lointain disent-ils, où « l’on pouvait sortir, discuter », où « l’on s’éclatait.»

Les choses, donc, semblent avoir changé. Et à la nostalgie se greffe souvent la colère, voire même l’inquiétude.
Sur le ton de la confidence, et toujours de façon anonyme, « pour ne pas avoir d’ennuis », plusieurs riverains croisés mercredi matin ne se sont pas fait prier pour dire tout le malaise qu’ils ressentent : « sur le bas du cours, vers les Capus, il y a des groupes de gens qui font n’importent quoi, raconte une habitante, installée ici depuis 16 ans. ça fait trois ans environ que ça a changé et aujourd’hui, j’ai peur de sortir avec mes enfants. On peut se faire agresser pour oui ou pour un non par tous ces gens bourrés. La nuit, ils restent devant les bars, jettent des cannettes, urinent partout, ils crient, chantent... Je ne me sens pas en sécurité.»

« Les gens n’en peuvent plus »
Chez les commerçants, ce constat est globalement partagé. Soucieuse d’éviter de stigmatiser un quartier « sympathique » où « il y a de l’entraide, où l’on se parle sans difficulté, où il est facile de s’intégrer », la responsable d’une petite boutique, qui ne réside pas dans le secteur, admet que ses clients se « plaignent du bruit », des « trottoirs en mauvais état.» Mais « je ne me suis jamais faîte agresser lorsque je rentre chez moi le soir », ajoute-t-elle rapidement.
Non loin de là, une autre commerçante, qui n’habite pas non plus sur le cours, est plus véhémente : « il y a des bars qui sont ouverts toute la nuit, jusqu’à pas d’heure. Les gens sont très alcoolisés, parlent très fort, se battent, parfois même en pleine journée. Les gens du quartier me disent qu’ils n’en peuvent plus... Je suis ici depuis 15 ans et je constate une évolution négative. Avant, le quartier était plus tranquille le soir. Plusieurs de mes clients se sont fait agresser et je l’ai été moi-même, verbalement. Il y a un sentiment d’insécurité. Franchement, je ne pourrais pas habiter ici. Quand je pars le soir, je me dis : "comment font ceux qui vivent ici ?" Les pauvres...»
« Avant, je disais que même si je gagnais des millions, je ne quitterais jamais ce quartier, raconte une personne âgée installée depuis des dizaines d’années. Maintenant, je reste parce que je suis propriétaire de ma maison, sinon je foutrais le camp ! »

Un arrêté municipal et des projets
Sollicitée à travers une pétition diffusée dans le quartier, la mairie de Bordeaux est bien consciente des problèmes qui minent le cours de l’Yser : incivilités et tapage nocturne donc, mais aussi stationnement anarchique, trottoirs en mauvais état...
En conséquence, une première réponse a été apportée vendredi dernier. Le maire de Bordeaux Alain Juppé a pris cinq arrêtés municipaux visant autant d’établissements qui ne respectaient visiblement pas les horaires auxquels ils étaient soumis. Durant quinze à trente jours selon les cas, ils devront baisser le rideau à 19 heures contre 22 heures en temps normal.
Une réfection des trottoirs et de la voirie est également envisagée dans les prochaines années : « c’était dommage de ne rien faire pour ce quartier, reprend l’une des commerçantes. Je me demande pourquoi cela n’a pas été fait avant.... Mais la mairie a l’air de s’en occuper donc on est content.» « C’est une bonne nouvelle, abonde une riveraine. Il était vraiment temps de faire quelque chose...» •

OSF

Photo : L’ambiance sur le cours de l’Yser s’est dégradée ces dernières années selon les habitants © OSF