Des radiateurs numériques qui chauffent gratuitement des logements sociaux. C’est ce que s’apprête à expérimenter le Conseil départemental de la Gironde dans le cadre d’un partenariat avec une start-up française, Qarnot Computing.

Une « avant-première mondiale », n’hésite pas à dire le président du Conseil départemental Jean-Luc Gleyze, qui repose en effet sur un concept et une technologie totalement innovants : utiliser la chaleur émise par les serveurs informatiques en disséminant les processeurs dans des logements au lieu de les rassembler dans d’immenses datacenters énergivores.

Des radiateurs numériques
Le principe s’appuie sur un constat : la croissance continue des besoins en puissance de calcul informatique de la part des entreprises (grandes banques, géants du web, PME spécialisées dans la 3D, recherche scientifique etc...). Cette puissance de calcul est aujourd’hui fournie par des serveurs rassemblés dans les datacenters. «Ils représentent à eux seuls 3% de la consommation électrique mondiale, 7% en France. Or toute cette énergie produit de la chaleur qu’il faut ensuite éliminer à grand renfort de ventilateurs, sans qu’elle ne serve à rien», affirme Paul Benoit, co-fondateur de Qarnot Computing. Son idée est donc de répartir la puissance de calcul dans la ville, en installant des « radiateurs numériques » baptisés Q-Rad.

Dans ces boîtiers, qui ressemblent à des radiateurs muraux au design moderne, trois processeurs sont connectés par fibre optique au réseau global et fournissent une puissance de calcul qui varie en fonction de votre besoin de chauffage. Au bout de la ligne, Qarnot s’occupe de réguler la puissance totale de calcul, qu’elle commercialise aux entreprises. Pour l’utilisateur du radiateur, la chaleur est donc gratuite et le service est garanti. Si la demande de chauffage globale excède la demande de calcul, pas de problème : Qarnot fait alors travailler ses radiateurs pour la bonne cause, sur des programmes de recherche scientifique par exemple.

Econome et écolo
L’idée est séduisante. Qarnot affirme pouvoir proposer à ses entreprises clientes un service 2 à 4 fois moins cher que les datacenters classiques. Le tout pour une empreinte carbone globale nettement réduite, assure la société, et un bénéfice évident pour les détenteurs de radiateurs. D’autant que les Q-Rad, puisqu’ils sont connectés à la fibre, peuvent aussi fournir un accès wifi gratuit, recharger un portable, embarquer un objet connecté...

Mais pour passer de la théorie à la mise en route concrète, l’entreprise devait trouver des partenaires prêts à prendre le pari de l’innovation. C’est ce qu’a décidé de faire le Conseil départemental de la Gironde en équipant un de ses futurs bâtiments en Q-Rad. Il s’agit d’un immeuble qui entrera en service en 2017 avenue Emile Counord et qui accueillera en rez-de-chaussée les locaux d’un Pôle Territorial de Solidarité et dans les étages 50 logements sociaux du bailleur Gironde Habitat. Les futurs locataires de ces logements bénéficieront donc du chauffage gratuit et Qarnot entrera dans sa phase d’expérimentation à plus grande échelle.

Le surcoût d’investissement lié au choix de ce type de chauffage par rapport à des radiateurs traditionnels est de 600 000€, financés à parts égales par le Département, Gironde Habitat et Qarnot Computing. « C’est de la responsabilité de la force publique d’expérimenter pour trouver de nouvelles solutions, et les rendre ensuite reproductibles pour le plus grand nombre,» affirme Jean-Luc Gleyze qui voit dans ce projet « une innovation technologique au service de l’innovation sociale.»• S. Lemaire

Photo : Le Q-Rad ressemble à un radiateur au design moderne. à l’intérieur, trois processeurs calculent © Philippe Taris / Sud ouest