Terre d’exception, la nouvelle grande région englobant l’Aquitaine reste pour la gauche : elle était hier soir l’une des deux seules de France à avoir placé la gauche en tête au premier tour, accordant toutes les chances au candidat PS sortant Alain Rousset de rester maître sur son territoire et au-delà. 

Terre de modération, la ville de Bordeaux l’est aussi restée hier soir, n’accordant “que” 11,8% des suffrages à la liste Front National. Mais en arrière-plan, le séisme enregistré à l’échelon national a aussi secoué le grand Sud-Ouest : le candidat FN, le Bordelais Jacques Colombier, a triplé son score (23%) par rapport aux précédentes régionales (8% en 2010 sur le périmètre de la nouvelle grande région).  

Rousset bien placé
Alain Rousset est en tête en Aquitaine, Virginie Calmels en Poitou-Charentes et les deux font jeu égal en Limousin. Mais si cela ressemble à un coude à coude, le poids démographique (et donc électoral) bien supérieur de l’Aquitaine donne un net avantage à Alain Rousset. Ce qui fut assurément un soulagement pour le camp du sortant, que les derniers sondages donnaient devancé par Virginie Calmels au premier tour. Quant au Front National, il arrive en tête dans un seul des 12 départements : le Lot-et-Garonne. Mais termine aussi deuxième en Charente-Maritime et dépasse les 20% partout ailleurs.
C’est le cas en Gironde, où il totalise 22,32% des voix et où les estimations sorties des urnes l’ont donné au coude à coude avec Calmels une bonne partie de la soirée. C’était avant que le résultat de Bordeaux (36,8%) permette à l’adjointe d’Alain Juppé d’affirmer sa seconde place (27,43%) et de recoller un peu au résultat d’Alain Rousset (33,83%). Ce dernier, s’il reste maître sur son département d’origine, est toutefois bien loin de son score de 2010 (40,5%) et voit les autres listes de gauche – réservoir traditionnel de voix - chuter. Si son score reste limité (mais en progression) à Bordeaux, le FN parvient toutefois à décrocher la seconde place dans 9 des 28 communes de la métropole bordelaise et arrive en tête à Saint-Vincent-de-Paul. C’est sur la presqu’île qu’il réalise ses meilleurs scores, pas loin des 30%. Ailleurs, si le total est plus faible, la progression est toutefois très marquée à l’image des 17,3% enregistrés à Mérignac. Ici comme ailleurs en France, jamais de tels résultats n’ont été observés pour l’extrême droite. Hier soir, Jacques Colombier affichait donc logiquement sa satisfaction : « Le Front National a désormais un électorat majeur, adulte, qui sait pour qui et pour quoi il vote. C’est un electorat d’adhésion, pas de désesperance. »

Et maintenant ?
à gauche, la nuit s’annonçait longue hier soir puisque pour les représentants des listes PS et EELV – 5,6%, non qualifiée pour le second tour mais autorisée à fusionner avec l’un des trois qualifiés – devaient se retrouver à Bordeaux pour négocier les termes d’une fusion au second tour. « Nous avons établi un certain nombre de points incontournables qui devront être repris »,
annonçait hier soir la tête de liste écologiste Françoise Coutant. Ils ont jusqu’à mardi soir pour déposer liste commune en préfecture.
à droite, la question ne se pose pas, Virginie Calmels ayant déjà fait l’union de la droite et du centre sur sa liste au premier tour. C’est sur la mobilisation des abstentionnistes qu’elle devra compter désormais, et sur un éventuel changement de cap des électeurs FN, qu’elle a ouvertement appelés à faire barrage au PS hier soir : « Je veux m’adresser à tous les électeurs du Front national et je veux leur dire que le Front national n’a ici aucune chance de gagner l’élection. Alors s’ils votent Front national au second tour, ils feront élire le candidat socialiste. » La campagne est loin d’être terminée. • S. Lemaire

Photo :  © G. BONNAUD