Dans l’histoire de l’aéroport de Bordeaux, l’année 2015 restera assurément associée au chiffre 5. Cinq, comme cinq millions de passagers transportés dans l’année. C’est la première fois que la plateforme aéroportuaire girondine franchit ce cap de fréquentation. Avec 5 300 000 passagers en 12 mois, elle affiche une croissance de 7,6%, à faire pâlir d’envie beaucoup d’autres aéroports (la moyenne de la croissance des grands aéroports régionaux est de 3% en 2015).

Toujours plus de lignes

Ce résultat ne tombe pas du ciel. Il s’inscrit dans la continuité d’années de croissance. Pas de hasard : celle-ci est alimentée par des investissements conséquents (la création du hall low cost Billi puis de son extension, notamment), une stratégie commerciale visiblement efficace (des redevances et coûts particulièrement attractifs pour les compagnies aériennes), une hausse continue du nombre de destinations. Le tout porté par l’attractivité croissante et le réel engouement pour Bordeaux et sa région. Conséquence : en 6 ans (2009-2015), le trafic a augmenté de 61%. En 2015, douze nouvelles lignes ont été ouvertes (annuelles ou seulement saisonnières) dont 6 low cost et trois nouvelles compagnies sont arrivées (Brussels Airlines, IGAvion et ASL Airlines).

International et low cost

Si on l’analyse dans le détail, on constate que cette croissance est largement portée par l’international (+14,6%) avec quelques lignes particulièrement dynamiques : Londres (desservies par 3 compagnies et sur 3 aéroports), Amsterdam, Lisbonne, Genève et Bâle-Mulhouse. Elle est aussi alimentée par le trafic low cost, qui génère à lui seul 65% de la croissance annuelle de l’aéroport avec de belles hausses de fréquentation affichées par, dans l’ordre, Easyjet, Volotea et Vueling. Parmi les compagnies de réseau, ce sont Air France/KLM, Turkish Airlines et Aegean qui connaissent les plus belles progressions. ?« Cette forte hausse de trafic se traduit cependant par une hausse modérée du nombre de mouvements d’avions (+4,5%) » précise le directeur Pascal Personne. L’information concerne au premier plan les riverains de l’aéroport, qui pourraient redouter une hausse des nuisances. ?« Ce chiffre montre que la hausse de la fréquentation se fait par un meilleur remplissage des lignes existantes et par la mise en place de modules de grosse capacité ».

Les projets 2016

Pas question de s’arrêter en si bon chemin. L’aéroport de Bordeaux Mérignac annonce déjà 10 nouvelles lignes pour 2016 : Berlin, Barcelone, Marseille et Venise par Easyjet; Alicante, Split et Faro par Volotea; Madrid par Iberia Express ;Hambourg par ASL Airlines et Montpellier par Chalair Aviation (lire ci-dessous). Surtout, il porte des projets structurants indispensables à la poursuite de son développement : les accès routiers, les transports en commun, les parkings. ?Pour la route, Bordeaux Métropole envisage de construire un pont ou un tunnel pour fluidifier le principal rond-point qui mène à l’aéroport, souvent saturé du fait de la proximité des gros employeurs de l’aéronautique (Dassault, Thalès...). Pour les transports en commun, un double scénario devrait se confirmer en ce début d’année : le prolongement de la ligne A depuis Mérignac Quatre Chemins et la mise en service d’un bus reliant le pôle multimodal de Pessac Alouette. Il sera autorisé à utiliser la bande d’arrêt d’urgence de la rocade. Pour les parkings, les projets sont moins clairs mais le directeur l’affirme : l’aéroport agira sur le sujet, notamment en se montrant « inventif sur la tarification.»

Un nouvel espace d’attente

Mais en plus de ces impératifs, l’aéroport compte porter en 2016 un autre dossier d’envergure. « Il n’a pas encore été validé par nos actionnaires, a prévenu hier Pascal Personne en dévoilant quand même les grandes lignes d’un projet dont on devine qu’il lui tient particulièrement à coeur :la création d’une nouvelle zone d’accueil et d’attente pour les passagers. Un grand espace qui sera situé entre les halls A et B, où seront installés de nouveaux postes d’inspection-filtrage qui devraient assurer une plus grande fluidité. Il y aura aussi une grande zone commerciale typique des aéroports de grande envergure. « C’est un projet qualitatif d’amélioration de nos services, mais qui sera réalisé dans l’objectif de maintenir une situation financière saine pour l’aéroport », explique Pascal Personne. Comprendre :?l’ambition de se rapprocher un peu plus des grandes plateformes, mais en conservant la gestion rigoureuse qui caractérise Bordeaux dans le paysage aéroportuaire français. ?

La LGV, ombre au tableau

Car si le temps est au beau fixe à Mérignac en ce moment, il plane quand même un lourd nuage à l’horizon. Celui de la mise en service, en 2017 de la LGV Bordeaux-Paris. Pascal Personne en parle sans mystère : « Les modèles classiques nous disent que lorsque le train relie deux villes en 2 heures ou moins, la part de l’avion s’écroule.» Or Paris, desservi par les navettes Air France au rythme de 14 fréquences par jour, représente aujourd’hui 950 000 passagers par an. Qu’en sera-t-il dans trois ans ?

« Nous avons beaucoup travaillé sur ce sujet en partenariat avec Air France, pour anticiper au mieux ce choc. Sans dévoiler ce que sera la stratégie de la compagnie aérienne, nous pouvons dire que nous avons quand même quelques assurances sur la pérennité de la ligne. La richesse économique de Bordeaux, le développement de l’aéroport, l’évolution des usages des passagers, celle des grilles tarifaires d’Air France... Tout ceci nous permet d’être moins inquiets aujourd’hui qu’il y a quelques années. D’ailleurs, nous ne nous lancerions pas dans le projet de nouvel accueil sans quelques assurances.»•

S. Lemaire

Photo : L’aéroport veut se doter d’un nouvel espace central d’accueil des passagers © thierry david / sud ouest