Dans une petite rue à deux pas de la place Fernand-Lafargue, Pierre s’agace. Impossible de sortir de chez lui sans devoir enjamber les sacs éventrés et les imondices dispersés sur le trottoir.

A vrai dire il ne sait pas contre qui râler le plus : les grévistes, dont il considère qu’ils ont déjà un statut privilégié, ou les habitants du quartier qui continuent invariablement de poser leurs sacs poubelle sur le trottoir sachant qu’ils ne seront pas ramassés. 

Même son de cloche auprès de Laurence un peu plus loin. La mère de famille est furax de voir qu’à côté des sacs d’épluchures s’empilent aussi un four micro-onde, un miroir cassé... « Les gens ne peuvent pas garder ça à l’intérieur le temps que la grève se termine ? » Quant aux commerçants, ils pestent contre les mauvaises odeurs, et la mauvaise image envoyée aux touristes. « En plus ils ne sont pas forcément au courant du contexte... Franchement, j’ai presque envie de mettre une pancarte sur ma vitrine qui explique que les éboueurs sont en grève et que Bordeaux ne ressemble pas toujours à ça...» regrette Carole qui tient une petite boutique de fringues.

Pas de dialogue

Depuis huit jours en tout cas, le paysage visuel et olfactif de la ville en a pris un coup. Hier, les quatre syndicats (CGT, CFDT, FO et Sud) ont appelé au boycott d’une réunion technique qui devait se tenir au siège de la Métropole. Celle-ci a donc été annulée faute de quorum. De part et d’autre, on restait arc-bouté sur des positions incompatibles : pour les grévistes (service de collecte et de propreté), pas de reprise du travail sans négociation, pour la Métropole pas de négociation sans reprise du travail. 

Rappelons que les revendications portent sur plusieurs sujets, notamment la prise en charge de la hausse du coût de la mutuelle des agents. Les syndicats dénoncent une absence totale de dialogue avec l’élu en charge du dossier (le vice-président PS et maire de Cenon Alain David). 

Priorité à Bordeaux centre

Hier soir, Alain Juppé a fait savoir par communiqué qu’il « déplore l’état d’insalubrité dans lequel la ville de Bordeaux est plongée »
et qu’il a décidé « en plein accord avec la Chambre de Commerce et d’Industrie de Bordeaux, de faire procéder à l’enlèvement des ordures et des déchets dans des secteurs du centre-ville particulièrement touchés et comportant un grand nombre de commerces alimentaires.» 

Ceci devrait prendre effet dès ce matin, et le maire a fait savoir qu’il « se réserve le droit de prendre des mesures plus importantes si la situation sanitaire venait à s’aggraver » c’est à dire, par exemple, procéder à des réquisitions. 

La solution mise en oeuvre ce matin ne peut évidemment être que temporaire et ne permettra pas de soulager l’ensemble des secteurs touchés par la grève. Les deux parties vont inévitablement devoir se rencontrer et Alain Juppé affirmait hier soir que son vice-président « reste bien entendu ouvert au dialogue.» •

Photo G. Bonnaud / Sud Ouest