Depuis le mois de janvier, le Comité étude Information Drogue (CEID) de Bordeaux propose aux jeunes en errance un dispositif de travail à la journée. Baptisé «Tapaj», pour travail alternatif payé à la journée (ou même à l’heure), il a pour objectif de faciliter la réinsertion de jeunes âgés de 18 ans à 25 ans qui vivent le plus souvent dans la rue.

« Il n’y a pas vraiment de profil type, assure Jean-Hugues Moralès, éducateur au CEID et responsable du projet jeunes en errance. Ce qui est sûr, c’est que ces jeunes veulent prendre de la distance avec une situation qui à leurs yeux est intolérable. Quand ils entrent dans un squat, ils sont apaisés mais aussi victimes d’une grande précarité financière et sociale. En France, il n’existe pas d’aide pour eux puisque le RSA est à partir de 25 ans. C’est un no man’s land social.» D’où l’idée de développer Tapaj, un dispositif inspiré d’une initiative menée au Canada depuis le début des années 2000.



4 heures de travail 


Le principe de fonctionnement est simple. Chaque mois, les jeunes qui adhérent au dispositif, une quinzaine actuellement, signent un contrat spécifique avec l’ARE 33, une association d’aide à l’insertion. Celui-ci leur permet d’effectuer chaque mardi après-midi des missions de 4 heures, payées 10€ de l’heure, pour le compte des partenaires du dispositif, soit actuellement la seule mairie de Bordeaux. Le chantier consiste à effectuer du nettoyage dans des espaces verts. à la fin de la journée, les jeunes reçoivent un chèque qu’ils peuvent échanger immédiatement dans un bureau de poste contre des espèces. « S’ils ne veulent pas venir une semaine, le contrat n’est pas remis en cause, ajoute Jean-Hugues. S’ils ne veulent venir que 2h, ils peuvent et ne sont payés que 2h. Le dispositif est le plus souple possible. Tapaj, c’est un palier intermédiaire où l’on baisse le niveau d’exigence afin de permettre à ces jeunes de revenir vers l’emploi.»

Cette absence de fil à la patte, c’est ce qui parvient à convaincre ce public. « Cela leur remet le pied à l’étrier, note Agnès Creyemey, l’une des deux collègues de Jean-Hugues au sein du projet jeunes en errance. Cela leur redonne confiance en eux et ça les revalorise. Mais surtout, ça change le regard que l’on porte sur eux et c’est très important. Cela leur montre qu’ils sont en capacité de travailler.»



L’idée pourrait s’exporter


L’initiative menée à Bordeaux est une première en France. Grâce au soutien de partenaires privés, comme la fondation Auchan ou la SNCF, l’ambition du CEID est d’aller au-delà du dispositif actuel. « L’idée, c’est de créer une 2e phase sur une plus longue durée, 2 ou 3 jours, pour voir s’ils sont fiables et capables d’aller plus loin, poursuit Jean-Hugues. On négocie pour mettre ça en place avec la SNCF. Si cela se passe bien, la troisième phase serait ensuite celle des chantiers d’insertion.»


En attendant, les premiers retours sur expérience sont très positifs, de la part des jeunes et des commanditaires. à tel point que la Mission Interministérielle de Lutte contre la Drogue et la Toxicomanie (MILDT) s’est renseignée afin de savoir si le dispositif était transposable. « Nous avons défriché le terrain sur le plan administratif et ce n’était pas simple, sourit le docteur Jean-Michel Delile, directeur du CEID. Maintenant, le concept est facile à dupliquer. C’est bien s’il y a des demandes pour mettre en place des dispositifs similaires ailleurs car des jeunes en errance, il y en a partout et la demande est forte. Ce dispositif est ingénieux et tout le monde y trouve son avantage.» • OSF

Photo : Pour le docteur Delile, directeur du CEID, Tapaj est un « dispositif ingénieux.» © OSF