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Salles de concert : Les rideaux baissés pour de bon ? PDF Imprimer Envoyer
Mercredi, 26 Mars 2014 07:00

Deux lieux de concert de Bordeaux sont en ce moment dans l’oeil du cyclone : pour des raisons très différentes, le Bootleg et le Comptoir du Jazz voient leur activité très menacée. Deux responsables de ces structures ont accepté de briser le silence radio.

 


L’un a baissé le rideau, l’autre pourrait le faire incessamment. Pour l’un, raisons techniques et administratives, pour l’autre, déboires liés à un repreneur peu scrupuleux. Raisons et contexte diffèrent mais tous deux partagent une situation peu enviable dans un secteur culturel déjà mal en point.


Au Bootleg, la décision est tombée telle un couperet via un post laconique sur Facebook le 15 mars, alors qu’un club était programmé le soir même. Le président du lieu, Cyril Béros, également directeur de l’Irem, l’école de musique associée (notre édition du 19 mars 2013), reconnaît aujourd’hui que cela a pu paraître « abrupt ». « Cela dit, on sentait le vent venir, précise-t-il, et on en avait discuté avec tous nos partenaires – en premier lieu, ceux qui, comme Allez les filles, programment chez nous. Depuis, ils continuent d’être nos plus fidèles soutiens. Ils sont tous conscients de ce que l’on a réussi à accomplir pour le secteur culturel. »

Par ce “vent” qu’il sentait venir, entendre qu’il était grand temps que le lieu se mette totalement en conformité avec la réglementation, surtout en matière de sécurité. La commission ad hoc réclamait des mises aux normes, et pouvait à tout moment procéder à un contrôle et à une fermeture d’autorité. 
Cyril Béros a préféré « assumer [ses] responsabilités » et prendre les devants. « Tout le projet de l’Irem et de la salle associée, le Bootleg, repose sur une économie très fragile, avec très peu de subventions. Quand on a lancé la salle, j’avais en main un rapport d’une société de contrôle indépendante me garantissant qu’on ouvrait dans de bonnes conditions pour l’accueil du public. Il restait quelques travaux pour être parfaitement dans les clous d’un point de vue administratif mais, à ce moment-là, si nous n’ouvrions pas, on risquait de devoir tout fermer et perdre tous les emplois. »


Fort du succès de la salle – 20 000 adhérents en un an, une programmation exigeante tant côté concerts que côté club dont les soirées pointues tournent à point en permanence –, Cyril Béros a très tôt pu basculer du bénévolat à l’emploi pour une dizaine de salariés, emplois aidés pour beaucoup mais qu’il compte à terme pérenniser comme il l’a fait pour l’Irem et sa dizaine de permanents. Mais pour les travaux, la fenêtre c’était maintenant ou jamais. Une petite fenêtre : « J’ai bon espoir de pouvoir rouvrir dans des délais assez brefs, conclut-il, optimiste. Entre le 15 avril et le 1er mai, si tout va bien. L’administration et les services de la Ville sont avec nous, sur les starting-blocks pour que le feu vert puisse être donné sitôt les travaux terminés. Il le faut car, au-delà, notre équilibre financier est si fragile qu’on devra mettre la clé sous la porte et tout le monde à la rue. »


Pour éviter d’en arriver à de telles extrémités, le Bootleg devrait lancer dans les prochains jours une campagne d’appel aux dons auprès de ses adhérents et au-delà* – « et nous saurons être reconnaissants à ceux qui nous aideront à passer ce cap difficile », assure le président. Restera enfin à régler les problèmes de nuisances potentielles pour le voisinage. La salle a effectué une enquête auprès de 56 voisins : 42 soutiennent l’initiative, 12 ne savaient même pas que le lieu existait et deux ont fait part de plaintes. « J’irai à leur rencontre et je ferai tout mon possible pour réduire le risque de bruits et d’incivilité. »



Blues Comptoir

Problématique très différente au Comptoir du Jazz, adossé au restaurant Le Port de la Lune. L’ensemble a été revendu en novembre dernier par Jean-Marie Geilh à Christophe Rasp, un nouveau propriétaire qui a tôt fait d’attirer l’attention des employés : « Dès les premiers jours, on a eu des doutes quant à ses méthodes pas très catholiques, se souvient Malek Menekbi, responsable de la programmation du Comptoir. Il avait tendance à se servir dans la caisse mais on se disait que c’était sûrement pour rembourser quelques créanciers plus vite, pour que l’affaire soit plus viable. »

L’avenir leur a donné tort : en janvier, l’établissement déposait le bilan et était placé en redressement judiciaire et, depuis début mars, Christophe Rasp est mis en examen pour abus de biens sociaux, banqueroute par détournements d’actifs et escroquerie, et est, de fait, interdit de gestion. 


« C’est désolant, reprend le programmateur. Tout cela survient alors que le Comptoir avait retrouvé une phase ascendante. Il y a très peu de lieux jazz à Bordeaux, encore moins de lieux auxquels les artistes internationaux et les grands tourneurs font confiance. À force de travail, on avait réussi à créer cette confiance et à relever le niveau de nos propositions, tout en continuant à mettre le pied à l’étrier à la scène locale et à faire de la pédagogie auprès de tous les publics, comme avec notre Caravan Jazz Club. La fréquentation était repartie malgré la crise. Le lieu attirait de nouveaux clients, comme les gens du Triangle, et il devait s’inscrire parfaitement dans la perspective Euratlantique. »


Au lieu de cela, les cinq employés et les extras du Comptoir, plus la quinzaine de permanents du Port de la Lune, sont dans l’expectative : redressement avec recherche d’un repreneur ou liquidation ? « M. Geilh avait déjà laissé le lieu dans un mauvais état, la situation pas aussi saine qu’on voudrait le faire croire, et Christophe Rasp a fait tout empirer. On n’avait pas besoin de ça. On sait que d’hypothétiques repreneurs pourraient être attirés par le projet, fédérateur, mais ils sont forcément refroidis par le climat ambiant, entre les poursuites contre M. Rasp et la grosse enquête de la brigade financière sur les conditions et la validité de la vente. » Le mandataire du tribunal de commerce devrait rendre son verdict aujourd’hui. •

Sébastien Le Jeune

* Pour recevoir les infos, mail à info@bootleg.com

Photo : Le 15 mars, on apprenait la fermeture du Bootleg par cette simple photo et un laconique post Facebook. © Le Bootleg

 

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