L’immense réalisateur new-yorkais Abel Ferrara était ce week-end l’un des invités de marque du Fifib pour un regard croisé autour de Pasolini. Mais il reviendra plusieurs semaines en 2014, à Bègles, pour le montage du biopic qu’il prépare sur le géant du cinéma italien.


« Hey there he is the motherfucking poser son of a bitch ! » Passez outre la bordée de jurons habituelle chez lui, mettez un grand sourire sur ce visage évoquant plus souvent un ours bougon : Ferrara regarde sur Youtube Pasolini parler antifascisme, société de consommation et destruction de l’Italie « qu’il n’aura pas eu le temps de voir ». « C’est un putain de génie, ce type, c’est avec des gens comme lui que j’ai eu envie de faire des films ! » 


Une admiration sans borne qui explique qu’il ait accepté de mettre en regard deux de ses propres films avec ceux du maître, et qu’il ait en ce moment en projet un film sur sa vie de ce dernier – ou plutôt « un jour dans la vie de Pasolini – pas de chance pour lui, j’ai choisi son dernier ». Où il sera donc question de sa mort dans des circonstances troubles, en novembre 1975, mais pas seulement : « Il y aura un tournage à Rome en janvier avec William Dafoe dans le rôle-titre, mais nous allons aussi y inclure des séquences de “Salò ou les 120 Journées de Sodome”, celles qui avaient été volées et l’avaient obligé à remonter entièrement le film, et qu’on a retrouvées depuis. »



Une idée de plus de vingt ans

Une vieille idée de Ferrara qui renaît aujourd’hui à la faveur d’un partenariat avec... la région Aquitaine. « On avait eu cette idée avec Nicky [Nicholas St. John, son ami scénariste, ndlr] dans les années 1990, se souvient le réalisateur américain. Même pas un script, juste une idée comme ça, griffonnée en cinq minutes. Mais à l’époque, on n’avait rien, ni acteurs, ni argent, zéro. » Vingt ans plus tard, entre alors en scène Thierry Lounas, le directeur de la maison de production nantaise Capricci Films, qui veut redonner vie au projet. Mais manque toujours le nerf de la guerre, le financement.

C’est ainsi que son homologue de Bègles, Dublin Films, va rentrer dans la boucle. 
« Il se trouve que l’Aquitaine est l’une des seules régions en France à avoir mis en place un fonds de soutien “déterritorialisé”, qui peut venir en aide à des films même s’ils ne sont pas tournés dans la région, explique David Hurst, l’un des trois dirigeants de Dublin Films. À condition qu’il y ait coproduction avec une boîte locale et un recours significatif à ses équipements de post-production. Il viendra donc chez nous aux Terres-Neuves sitôt le tournage terminé, en mars-avril probablement, pour le montage de “Pasolini”. » 


Le soutien de la Région à cet auteur international a aussi aidé pour décider d’autres coproducteurs – Arte, Canal, des Italiens... Et les répercussions locales ne s’arrêteront pas là : « On accompagnera cela de nouvelles projections de films de Pasolini et de masterclasses de Ferrara à destination des étudiants en filière cinéma de toute la région. Et pour nous, ça tombe à point nommé au moment où nous orientons notre dynamique en direction du long-métrage. »


Ferrara, lui, ne cache pas sa joie de revenir bientôt. « J’aime bien Bordeaux. Pas pour son vin, je n’en bois plus, dommage. Mais il paraît qu’il pleut beaucoup dans cette p... de ville. Et ça tombe bien, j’adore la pluie... » •

Sébastien Le Jeune

Au programme du Fifib aujourd’hui, outre les projections et rencontres, deux soirées, l’une colombienne avec les courts du Fidaac et DJ sets de 20h à minuit cour Mably (entrée libre), l’autre à l’I.Boat dès 20h30 autour du docu « Antoine Antoine Antoine » de Nicolas Ruffault sur le fidèle “suiveur” de Philippe Katerine, musicien à ses heures qui donnera un concert à l’issue de la projection (9-12€).

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Photo : Benjamin Serero et David Hurst de Dublin Films avec Abel Ferrara, samedi au village du Fifib, cour Mably © SLJ