C’est une “institution” du quartier, comme on dit. à l’angle de la place Canteloup, la Cordonnerie Saint-Michel défie les années, toujours pimpante et vivante. Né à Saint-Michel, Patrick Gonzalez y répare des chaussures depuis 21 ans, à la suite de son père qu’il avait aidé dans cette même boutique pendant 18 ans.

A ses côtés, sa femme Annie assure quelques travaux de couture mais surtout reçoit la clientèle, nombreuse, qui vient du coin de la rue comme des quatre coins de l’agglo. C’est qu’il n’y a plus beaucoup de cordonniers en ville, encore moins avec une telle longévité et réputation que Patrick Gonzalez. Ce sont elles qui lui ont permis de supporter les trois ans de travaux sans quasiment connaître de baisse d’activité.

Un pavé sous le comptoir
Cela ne veut pas dire que cela fut facile. « Des clients nous disaient : il faut qu’on vous aime pour venir jusqu’à vous », sourit Annie. Il fallait, c’est sûr, contourner les barrières et traverser la poussière. Cela ne reste en tout cas pas uniquement un mauvais souvenir pour le couple, qui évoque les liens créés avec les travailleurs du chantier. « Le soir de l’inauguration, on a fini la soirée à 4h du matin avec eux », raconte Patrick en sortant de sous son comptoir un pavé, identique à ceux de la place, offert et dédicacé par l’équipe des travaux.
La boutique est un point d’observation idéal de la vie de la place et le couple connait évidemment le quartier, ses habitants et son évolution mieux que quiconque. Alors, est-il en train de se boboïser à vive allure, ce Saint-Michel ? Patrick repousse cette idée d’un grand geste. « Vous savez, mon père a connu la première réfection de la place, et le quartier n’a pas changé. La deuxième ne le changera pas non plus. On a eu les espagnols, les portugais, les turcs, les nord-africains, maintenant c’est plutôt des bulgares, des roumains ou même des russes - qui sont d’ailleurs des supers clients -... Les populations se succèdent mais l’esprit du quartier ne change pas ! »
Il suffit d’ailleurs de passer vingt minutes dans sa boutique pour y voir défiler le plus large éventail d’apparences et d’accents.

Qui prendra la suite ?
Ce qui va changer en revanche, c’est la tête du cordonnier. A 63 ans, Patrick Gonzalez cherche un repreneur pour son bail commercial. Les propositions de bars ou de restaurants ne manquent pas, mais le couple voudrait que l’activité de cordonnerie perdure. Moins facile de trouver. A quelques mètres de la future boutique, il restera en tout cas le mot rédigé par Patrick Gonzalez pour ses petits-enfants, enfermé dans la boîte à messages enterrée par le quartier à l’occasion des travaux. Rendez-vous dans 35 ans, pour la prochaine réfection de la place. • Sophie Lemaire

Photo : Annie et Patrick Gonzalez, avec le pavé offert et signé par l’équipe des travaux de la place (Crédit : SL)