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Claire Jacquet, Jean-François Buisson : Regards croisés sur les Bassins à flot |
Mercredi, 12 Octobre 2016 05:00 |
À ma gauche, Claire Jacquet, la directrice du Frac Aquitaine. À ma droite, le sculpteur Jean-François Buisson créateur des Vivres de l’Art. Quel regard portent ces figures déjà historiques du quartier sur son évolution, passée et à venir ? Entretiens croisés.
Comment êtes-vous arrivés là ? Et comment c’était, avant ? Jean-François Buisson : J’étais déjà dans le quartier depuis 1996 en tant qu’artiste résident à la Base sous-marine. Mais comme mon travail me poussait vers des formes de plus en plus monumentales, je me suis rapproché de la mairie, en quête d’un autre atelier. C’est comme ça que j’ai signé une convention d’occupation avec la Ville pour cet ensemble à l’abandon, les anciens magasins de vivres de la marine (autrement dit, des abattoirs militaires). Tout autour, toutes ces années, on est passé d’un no man’s land à un Bordeaux du XXIe siècle. Et pourtant, il reste bien des gens, même des Bacalanais, pour qui ça reste un quartier encore méconnu. Comment votre lieu participe-t-il de la vie du quartier ? JFB : En 2008, quand j’ai voulu passer à un projet plus pérenne, j’ai voulu résoudre l’équation qui travaille chaque artiste : disposer à la fois d’un atelier, d’un espace d’exposition et d’un lieu de vie, de résidence. Alors avec l’accord de la mairie, je me suis lancé dans de grands travaux qui aboutiront très bientôt. J’ai bien sûr des aides au titre de la conservation du patrimoine mais j’y mets aussi 600 000€ de ma poche – je dis ça pour ceux que ça choquerait que je m’installe dans un lieu détenu par la Ville. J’ai redonné vie à ce lieu déglingué et je laisserai tout en partant pour que ça serve à d’autres artistes – comme un mécène. Le tout, c’est une œuvre globale, “le domaine des possibles”, où les gens se plaisent à venir pique-niquer pendant que des graffeurs peignent, un espace de convivialité à dimension artistique. Les touristes, plus nombreux depuis l’ouverture de la Cité du Vin, regardent cet oasis, ces vieux bâtiments au milieu des nouveaux, et me disent que ça fait penser à Berlin ou à New York. Qu’est-ce qui marche, qu’est-ce qui coince dans le quartier ? JFB : Une petite épicerie ici ou là, ce serait pas mal. Et plus de vie – c’est désert le week-end ! Je pense que ça va évoluer dans le bon sens. Ce qu’il y a avec la densification, c’est que ça risque de devenir plus difficile d’organiser des concerts, des soirées. Pourtant, on essaie de composer, de se limiter à un soir “bruyant” par mois – l’electro en après-midi, on était les premiers à le faire, les concerts de Relâche s’arrêtent en même temps que le tram. Vous le voyez comment, le quartier à l’avenir ? CJ : En 2019, le Frac va déménager à la Méca, à Bordeaux-Sud. On essaiera de maintenir le lien mais ce sera plus difficile. Mais je suis convaincue que le quartier restera un espace marqué culturellement. Après, c’est aussi aux nouveaux habitants d’arriver avec leurs idées, leurs initiatives. Comme Chahuts à Saint-Michel, partir du terrain, des gens pour créer de nouvelles dynamiques... • Recueilli par Sébastien Le Jeune Frac Aquitaine, Hangar G2, Bassin à flot n°1. www.frac-aquitaine.net Photo : Claire Jacquet et Jean-François Buisson, deux figures de la culture d’un quartier en pleine mutation © Archives Claude Petit / Guillaume Bonnaud / sud Ouest |