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Claire Jacquet, Jean-François Buisson : Regards croisés sur les Bassins à flot PDF Imprimer Envoyer
Mercredi, 12 Octobre 2016 05:00

À ma gauche, Claire Jacquet, la directrice du Frac Aquitaine. À ma droite, le sculpteur Jean-François Buisson créateur des Vivres de l’Art. Quel regard portent ces figures déjà historiques du quartier sur son évolution, passée et à venir ? Entretiens croisés.

 

Comment êtes-vous arrivés là ? Et comment c’était, avant ?
Claire Jacquet : Le Frac s’est installé dans le Hangar G2 en 2005 – on était les premiers locataires. C’était deux ans avant ma prise de fonctions mais je peux vous dire que pour l’institution, c’était une nouvelle naissance ! Car le Frac n’avait pas son propre lieu d’exposition, il se contentait jusqu’alors de prêter les œuvres du fonds à des institutions, des villes... Les gens ne nous ont découvert qu’à ce moment-là alors qu’on existe depuis 1982... À l’époque, en 2005, c’était un quartier sans tramway, aux confins de la ville. On n’avait pas l’impression d’être rattachés au centre-ville alors qu’aujourd’hui, on est à 12 minutes des Quinconces. Aujourd’hui, ça a le charme d’autres zones portuaires, je pense à Anvers ou certaines villes des Pays-Pas... ou avec cette “cacophonie” architecturale, ce mélange d’ancien et de nouveau, à une promenade à Rome.

Jean-François Buisson : J’étais déjà dans le quartier depuis 1996 en tant qu’artiste résident à la Base sous-marine. Mais comme mon travail me poussait vers des formes de plus en plus monumentales, je me suis rapproché de la mairie, en quête d’un autre atelier. C’est comme ça que j’ai signé une convention d’occupation avec la Ville pour cet ensemble à l’abandon, les anciens magasins de vivres de la marine (autrement dit, des abattoirs militaires). Tout autour, toutes ces années, on est passé d’un no man’s land à un Bordeaux du XXIe siècle. Et pourtant, il reste bien des gens, même des Bacalanais, pour qui ça reste un quartier encore méconnu.

Comment votre lieu participe-t-il de la vie du quartier ?
CJ : On a toujours porté une attention particulière à la population du quartier, jusqu’ici très populaire du côté de Bacalan, même si c’est en train de changer, de s’ouvrir à une plus grande mixité sociale. On a donc tout naturellement travaillé très tôt avec tous les acteurs associatifs de Bacalan actifs dans le champ social. Dans un autre genre, on organise des cafés-visites le midi pour les gens qui travaillent au Hangar G2 et autour – un millier de personnes quand même !

JFB : En 2008, quand j’ai voulu passer à un projet plus pérenne, j’ai voulu résoudre l’équation qui travaille chaque artiste : disposer à la fois d’un atelier, d’un espace d’exposition et d’un lieu de vie, de résidence. Alors avec l’accord de la mairie, je me suis lancé dans de grands travaux qui aboutiront très bientôt. J’ai bien sûr des aides au titre de la conservation du patrimoine mais j’y mets aussi 600 000€ de ma poche – je dis ça pour ceux que ça choquerait que je m’installe dans un lieu détenu par la Ville. J’ai redonné vie à ce lieu déglingué et je laisserai tout en partant pour que ça serve à d’autres artistes – comme un mécène. Le tout, c’est une œuvre globale, “le domaine des possibles”, où les gens se plaisent à venir pique-niquer pendant que des graffeurs peignent, un espace de convivialité à dimension artistique. Les touristes, plus nombreux depuis l’ouverture de la Cité du Vin, regardent cet oasis, ces vieux bâtiments au milieu des nouveaux, et me disent que ça fait penser à Berlin ou à New York.

Qu’est-ce qui marche, qu’est-ce qui coince dans le quartier ?
CJ : L’articulation entre acteurs culturels marche bien. Dès 2011, on avait fait tous ensemble une plaquette/plan du quartier, “Plan B”, dessiné par Guillaumit. Et depuis, on organise souvent des choses ensemble, Noël aux Bassins notamment. En négatif, je vais prêcher pour ma paroisse : on a du mal à obtenir de la Ville suffisamment de signalétique, et même, en ces temps de travaux intensifs, assez d’infos en amont de la mairie, on est dans une totale improvisation. Cet été, de nombreux visiteurs ne trouvaient pas l’accès au hangar d’où une grosse chute de fréquentation !

JFB : Une petite épicerie ici ou là, ce serait pas mal. Et plus de vie – c’est désert le week-end ! Je pense que ça va évoluer dans le bon sens. Ce qu’il y a avec la densification, c’est que ça risque de devenir plus difficile d’organiser des concerts, des soirées. Pourtant, on essaie de composer, de se limiter à un soir “bruyant” par mois – l’electro en après-midi, on était les premiers à le faire, les concerts de Relâche s’arrêtent en même temps que le tram.

Vous le voyez comment, le quartier à l’avenir ?
JFB : Vivant, avec tout ce que ça implique. Ça reprend mon propos précédent : on a l’antériorité pour nous, mais j’espère que les gens vont comprendre la chance qu’ils ont d’avoir dans leur quartier des espaces festifs et culturels, la richesse que représente cet endroit en particulier, avec son passé fort et sa dynamique d’avenir, un lieu de partage et d’échange. C’est aussi pour ça qu’on a ouvert un jardin partagé ou qu’on fait des ateliers pour les enfants, pour créer du lien, pour ne pas être un ghetto de hipsters.

CJ : En 2019, le Frac va déménager à la Méca, à Bordeaux-Sud. On essaiera de maintenir le lien mais ce sera plus difficile. Mais je suis convaincue que le quartier restera un espace marqué culturellement. Après, c’est aussi aux nouveaux habitants d’arriver avec leurs idées, leurs initiatives. Comme Chahuts à Saint-Michel, partir du terrain, des gens pour créer de nouvelles dynamiques... •

Recueilli par Sébastien Le Jeune

Frac Aquitaine, Hangar G2, Bassin à flot n°1. www.frac-aquitaine.net
Les Vivres de l'Art, place Victor-Raulin (4, rue Achard). lesvivresdelart.org

Photo : Claire Jacquet et Jean-François Buisson, deux figures de la culture d’un quartier en pleine mutation © Archives Claude Petit / Guillaume Bonnaud / sud Ouest

 

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