On peut passer sa vie à Bordeaux sans mettre les pieds à Saint-Augustin. « Y venir c’est l’adopter », confie Alain Faubel, arrivé en 2000 et habitant amoureux de son lieu de vie. « J’habite de l’autre côté de la rue Emile-Combes, donc à Mérignac. Mais je passe ma vie ici. J’y fais toutes mes courses, j’y ai mes amis, raconte-t-il. Je vais rarement dans le centre de Bordeaux en fait.»

Coincé entre la ligne A du tramway qui longe le groupe hospitalier Pellegrin et le boulevard Georges-Pompidou, le cœur du quartier Saint-Augustin ressemble à une grosse bourgade organisée autour de son église. A la sortie de l’école, les enfants jettent leur cartable contre l’édifice et courent autour de la place. Assis au comptoir de La Commune, la brasserie installée dans une annexe de la mairie de quartier, Bernard remue sa petite cuillière dans son café. Il est 16 heures. « Je suis venu m’installer ici pour la retraite, explique-t-il. C’est paisible. Les gens se parlent. On se sent bien ici. »

A travers les baies vitrées, on entend les enfants crier et courir entre le parvis de l’église et celui de la mairie. Les automobilistes ralentissent, sans klaxonner, habitués à ces scènes de la vie quotidienne du quartier.?« Saint-Augustin est un village que nous préservons », dit le maire adjoint Jean-Louis David. Entre 2012 et 2013, le quartier a connu de nombreux travaux : la rue du Grand Maurian a été refaite, la grande salle municipale aussi. Les habitants ont été invités à cette occasion à se prononcer sur son devenir. Ils ont plébisicté un lieu de lecture. La bibliothèque des JSA y a déménagé. Ainsi est née la bibliothèque Jean de la Ville de Mirmont.

Vie sociale riche

JSA. Ces trois lettres, contraction de Jeunes de Saint-Augustin, reviennent dans toutes les conversations. La maison de quartier créée dans les années 80, sur la base d’un club animé par des prêtres depuis 1938, est un pilier de la vie sociale et ne se résume pas à un célèbre club de joueurs de basket. Elle est le symbole du vivre-ensemble dans ce territoire un peu à part de Bordeaux. Dès sa naissance, elle a su réunir enfants de l’école privée et de l’école publique qui vivaient alors dans des mondes qui ne se parlaient pas.

Aujourd’hui, adultes et enfants y pratiquent de nombreuses disciplines sportives. Son pendant culturel est né il y a quelques années avec la Maison des cinq sens, ouverte jusqu’à côté de la bâtisse totem, allée des Peupliers.?Saint-Augustin est le quartier des cadres moyens. De jeunes couples y rachètent les échoppes et les agrandissent. Les personnes âgées y sont assez nombreuses et apprécient de pouvoir tout faire à pied. Les commerces de bouche sont nombreux et de qualité. Certaines familles n’ont également pas quitté le quartier depuis plusieurs générations.

Saint-Augustin est un ancien quartier d’ouvriers. Tout autour de l’ilôt Lescure, ancien dépôt des tramways de Bordeaux puis des bus, à la barrière Saint-Augustin, les traminots ont construit leurs maisons. Ce quartier tranquille pourrait muter dans les prochaines années.

Les appétits grossissent en matière d’urbanisme. « Nous sommes vigilants, notamment sur les petites parcelles très plébiscitées par les promoteurs. Nous voulons garder le caractère résidentiel », insiste Jean-Louis David qui regrette parfois que la mairie de quartier soit prise pour une agence immobilière. Les maisons s’arrachent dès leur mise en vente.

Saint-Augustin possède un atout non négligeable. Desservi par le tramway, il est à deux pas du groupe hospitalier Pellegrin, premier employeur de la région, et de plusieurs cliniques. Cette situation idéale, malgré le bruit des hélicoptères, joue sur les prix de l’immobilier. •

Photo : Chaque année en juin, la fête de l’huître attire des milliers de personnes sur la place de l’église © ARCHIVES CHANTAL RENAUX / SUD OUEST