Le projet aurait dû être le plus important programme immobilier et urbain du quartier des 20 prochaines  années. En juin dernier, le maire Alain Juppé a sifflé la fin du match entre opposants et défenseurs de la reconversion du parc Lescure,  préférant face à la levée de boucliers, abandonner le projet.

«Avec un peu de recul, je pense que nous étions trop visionnaires. Dans trente ans, ce sera le bon projet», dit aujourd’hui Jean-Louis David, maire adjoint du quartier. En attendant, le quartier qui vivait au rythme des rencontres des Girondins de Bordeaux jusqu’en 2015 est aujourd’hui le stade de l’équipe de rugby Union Bordeaux-Bègles. Retour sur un projet avorté.

Nous sommes en 2012. Avec la construction du nouveau stade, la Ville souhaite décide d’engager une réflexion sur le devenir du parc Lescure. Un appel à idées puis une concertation auprès des habitants sont lancés. 2014: fin de la phase de réflexion, on passe à l’appel à projets. L’année suivante, un jury présidé par Alain Juppé retient quatre propositions. Le groupement Adim / Ateliers Ferret Architectures et Philippe Prost est finalement lauréat. Un comité de pilotage est chargé de suivre le projet et de prendre en compte les attentes des riverains. 

Commerces et logements

Les architectes expliquent fin 2015 qu’ils souhaitent mieux valoriser le stade dans son environnement urbain. Ils veulent notamment ouvrir sur le quartier cette enceinte clôturée de part et d’autre. Le programme prévoit de réduire la jauge du stade Chaban-Delmas de 35 000 à 24 000 places et d’y créer de nouvelles loges, un espace de réception et des espaces dédiés au sport et à la santé. Un autre volet prévoit la création de 4000 mètres carrés de commerces et une halle-marché du côté de l’arche du stade. Les espaces sportifs seront maintenus, promettent les lauréats, à l’exception du gymnase Albert-Thomas qui sera rasé pour laisser place à 123 logements libres et sociaux du R+4 au R+6.  Des résidences seniors (100 chambres) et étudiantes (120 chambres) sont programmées. 

Photo: Vue du projet rue Albert-Thomas ©Image Reproduction AFA

Equilibre économique en péril

La fronde ne tarde pas. Un collectif de membres opposés au projet recueille en quelques mois 4 000 signatures. Il se dit choqué par l’atteinte au patrimoine comme la destruction des escaliers vénitiens  et de la partie centrale de la plaine des sports. Le collectif voulait aussi conserver les gradins sous les voûtes des deux virages. 

Les opposants jugent le volet commercial trop ambitieux et incohérent avec la saturation de l’offre déjà existante dans l’agglomération. Enfin, ils ne voulaient pas d’un site ouvert « à tout va ». 

Attentifs aux remaques, les concepteurs du projet revoient leur copie en promettant de conserver les éléments patrimoniaux du site.  Supprimer des commerces et des logements met en revanche en péril l’équilibre financier de l’opération. Face à la vive opposition des riverains, le maire jette l’éponge le 5 juin dernier. «Nous verrons quand les circonstances auront évolué si nous pouvons relancer une nouvelle démarche.» Depuis le quartier a retrouvé sa quiétude, vivant au rythme des matchs des blancs et bordeaux. •

Laurie Bosdecher

Photo: Le stade est aujourd'hui dédié aux supporters de rugby ©Archives Stéphane Lartigue / Sud Ouest