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Aux Chartrons, la Librairie Olympique, c'est tout un poème PDF Imprimer Envoyer
Mercredi, 25 Janvier 2017 06:00

Il fallait du flair pour voir le potentiel de la place du Marché des Chartrons avant les travaux des années 1990. Voilà maintenant 27 ans que Jean-Paul Brussac y a ouvert sa Librairie Olympique, faisant de lui une figure culturelle éminente du quartier. Rencontre.

 

 

« C’est bien simple, ici il n’y avait rien. » Jean-Paul Brussac embrasse du regard la place à travers sa vitrine. Et se souvient : « C’est même difficile à imaginer aujourd’hui mais, ici, c’était une place morte, désaffectée. Il devait rester trois étals et dix cageots dans la halle du marché, qui avait encore sa gangue de béton montée à la mode des années 1910 pour éviter les nuisances. Quand je pense que les urbanistes des années 1980 voulait ouvrir la place sur le cours Portal, pour que les gens la repèrent enfin ! Être à l’écart de la circulation aujourd’hui, c’est une chance. Il faut voir cette place en été maintenant, c’est phénoménal ! C’est noir de monde jusqu’à 2-3 heures du matin tous les soirs, pire qu’à Paris ! »

Un sacré pari, donc, que d’ouvrir une librairie sur cette place pour cet homme qui se destinait à une carrière dans la sculpture. Mais le destin allait en décider autrement. Au sortir des études, direction Paris où il va travailler quelque temps dans une librairie mythique, Shakespeare and Company. dans le quartier latin. Déjà une institution à l’époque, cette librairie anglophone singulière logeait artistes et voyageurs contre un peu de travail dans ses rayonnages – le patron George Whitman avait ainsi accueilli Ginsberg ou Burroughs... « C’était plus qu’une librairie, insiste Jean-Paul Brussac : un lieu amical, un lieu de connivence, de partage, de complicité. Pour moi, le sommet de l’humanité. C’est là que je me suis dit “si un jour j’ai la force, je veux ouvrir une librairie”. »

Joyeux fouillis
« Galérant » dans l’art, avec femme et enfant à naître, il allait finalement concrétiser son rêve en s’installant au 23 de la rue Rode. Une librairie classique – des nouveautés, un coin polar-SF, un coin jeunesse... – sans l’être vraiment. « Dans le domaine du livre, je suis assez hostile à l’événement, à la nouveauté vendue comme telle. Je ne veux pas être simplement le tube digestif des grosses maisons d’édition – pour moi ce n’est pas ça le métier de libraire. Je m’applique plutôt à mettre en avant de bons livres, qui peuvent avoir 5 ou 10 ans. »

Ce joyeux fouillis savamment organisé regorge de raretés, et le rayon poésie y existe vraiment, bien plus qu’ailleurs. « La poésie se vend mal. Nombre de mes confrères préfèrent ne pas en faire du tout. Et puis, il me paraît important d’identifier une librairie à soi-même : pour moi, me spécialiser dans la BD par exemple n’aurait eu aucun sens. » Une question de goût, donc – rien d’étonnant à ce que plus tard il ait lancé le Marché de la Poésie, dont la 15e édition aura lieu du 4 au 11 mars (on y reviendra mais le programme est déjà en ligne*).

“Organise et on viendra”
Une façon pour lui de « faire exister la librairie, bien sûr » mais pas seulement : « Il m’a semblé que c’était un peu la vocation d’un libraire de créer des événements culturels sans gain particulier. » Dont acte. Alors que le salon du livre de Bordeaux dans les hangars battait de l’aile, plusieurs éditeurs de poésie lui suggéraient de lancer autre chose. « “Organise-nous une vraie vitrine à Bordeaux et on viendra t’aider”, m’ont-ils dit. Ça a commencé entre copains, et dès la première année, ça a fait parler dans le milieu de la poésie francophone. Aujourd’hui, auteurs et éditeurs viennent de loin, le programme est chaque année plus riche. Et on essaie de s’ouvrir (sans se trahir) et d’intégrer d’autres arts telle la musique, comme une porte d’entrée pour ceux qui jugeraient la poésie trop “sévère”...»

« Un peu plus de liberté »
Une belle initiative qui fait vivre cette Halle des Chartrons, ex-“verrue” à la lumière retrouvée... une semaine par an. Sans doute l’un des grands regrets de cet amoureux des Chartrons. « La mairie a choisi d’en faire un lieu polyvalent... Trop. Il y manque une vraie programmation culturelle. Ne serait-ce qu’une véritable signalétique, qu’on sache au moins ce qui va s’y passer les prochains mois... »

Hormis cela, Jean-Paul Brussac s’y plaît, dans ces Chartrons « vivants » et rajeunis avec les écoles supérieures avoisinantes. Tout juste déplore-t-il « un côté un peu trop poli ». « Les gens d’ici sont bien agréables, mais ils ne supportent pas trop les dérèglements. Quand les jeunes ont commencé à faire du skate et du roller sur la place, ça a provoqué un tollé. Et, depuis, il y a ces panneaux sur la place indiquant qu’à peu près tout est interdit. Personnellement, je ne suis pas contre un peu de dérèglement, un peu plus de liberté. »

Mais rien ne le fera quitter la librairie et le quartier. La retraite ? En guise de réponse, il revient à son « père spirituel » : « Le patron de Shakespeare & Co. a passé le relais à sa fille à l’âge de 93 ans... » Sourire. •

 

Sébastien Le Jeune

Librairie Olympique, 23, rue Rode, tous les jours 10h-12h30 et 15h-19h30 sauf dimanche et lundi matin. Tél. 05 56 01 03 90.
* bordeaux-marche-de-la-poesie.fr

Photo : Jean-Paul Brussac ne résiste jamais à une petite lecture de poésie © Bordeaux 7 / SLJ

 

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