La «société civile», c’est eux (ou elles) ! Sur les listes des candidats aux municipales, entre les élus sortants, les militants bien connus et les responsables associatifs engagés de longue date, il y a toujours quelques visages qui surprennent. Quelques citoyens, éventuellement connus dans leur secteur d’activité mais pas i

dentifiés pour leur engagement politique, qui décident de franchir le pas. Parfois même à la grande surprise de leur entourage. C’est le cas de ces deux jeunes Bordelaises que nous avons rencontré.



Du micro au porte-voix


Quatre jours après sa sortie de la maternité et la naissance de son deuxième enfant, Estelle Gentilleau était dans le bureau d’Alain Juppé. à la fin de l’entretien c’était fait : elle serait candidate sur la liste du maire sortant. Une première pour cette animatrice de radio, impliquée dans la vie culturelle locale, proche du Modem sans en être membre, sensible aux questions de la politique sans avoir jamais été ouvertement engagée. «J’avais envie de le faire depuis longtemps. Quand on me l’a proposé (je connaissais plusieurs élus Modem de Bordeaux), je n’ai pas hésité car je me suis tout de suite sentie en phase. J’étais prête à passer d’une sensibilité politique à l’action concrète.» Issue d’un milieu modeste, bordelaise d’adoption, Estelle Gentilleau n’a pas été biberonnée à la politique. «Je suis la première de ma famille à m’engager ainsi. Mon père était pupille de la nation, j’ai grandi dans l’école de la République... pour moi c’est un peu l’aboutissement d’un parcours. Il s’agit quelque part de rendre la pareille.» Elle reconnaît venir d’une sensibilité plutôt «centre gauche», alors pourquoi avoir choisi Alain Juppé ?
 Par adhésion au bilan, au projet et au candidat explique-t-elle. «Je l’admire beaucoup, et j’apprécie qu’il se soit toujours tenu loin des extrêmes. »
Depuis plusieurs semaines, elle qui fut observatrice de la vie politique locale dans sa vie professionnelle est passée de l’autre côté du miroir : 
tractage, réunions de quartier, porte à porte... Un rôle de petite main de la campagne en même temps qu’un apprentissage accéléré des missions de l’élu local. «Passionnant», assure-t-elle. Qu’en a-t’il été des réactions de son entourage, elle qui évolue dans un milieu professionnel que l’on imagine - à tort ou à raison- plutôt de gauche ?
 «Je n’ai pas eu de réaction négative. Plutôt de la curiosité, parfois de la fierté, mais globalement tout le monde a été très compréhensif et intéressé par ma démarche.»



Réaction en milieu hostile


Angélique Marvier est commerçante à Caudéran. C’est dire si on est loin du portrait type d’une colistière d’un candidat socialiste. C’est pourtant sur la liste de Vincent Feltesse que la jeune caviste a décidé de s’engager. «J’ai dit oui tout de suite, affirme-t-elle aussi. Pour elle, c’était une sorte d’acte de résistance dans une ville (et un quartier) largement acquise au maire sortant. Car elle ne s’est pas sentie soutenue dans sa création d’entreprise, elle trouve que son secteur, près des boulevards est négligé. Bref, le bilan du maire sortant est pour elle largement surcoté. 
Située en fin de liste, elle reconnaît que sa candidature est plus de l’ordre du témoignage que du véritable engagement militant. Mais «je me suis reconnue dans le projet Feltesse, dit-elle. Surtout, je voudrais que l’on puisse débattre, que les Bordelais votent sur la base d’une opinion éclairée et pas seulement par habitude. Il ne faut pas avoir peur de tenter quelque chose de nouveau.» Autour d’elle, son engagement a bien sûr fait réagir. Surtout sa clientèle. ça la fait sourire. «Il est clair que les trois quarts de mes clients votent certainement Juppé. Certains m’en ont parlé. Mais ils continuent de venir me voir, je ne crois pas que ça pose problème. On ne va quand même pas me jeter des pierres !»

Sophie Lemaire

Photo : Estelle Gentilleau (à gauche) et Angélique Marvier ont franchi le pas de l’engagement partisan © SL