A chaque jour suffit sa peine pour Alain Juppé. Alors qu’il présentera ce matin les traditionnels voeux du maire à la presse, c’est en candidat aux élections municipales qu’il a reçu hier matin les représentants des médias, ce afin de « ne pas mélanger les genres.».

Alors que la campagne bat son plein, l’ex-premier ministre s’est montré confiant mais aussi combatif et déterminé, « aussi en forme qu’en 2008 », affirme-t-il. A l’entame de la dernière ligne droite, qui conduira aux scrutins des 23 et 30 mars prochain, l’édile bordelais a décidé de muscler son discours en réponse à « un adversaire qui se bat plus que celui de 2008 (le candidat PS était alors Alain Rousset, ndlr), qui a une attitude plus agressive.»
De Vincent Feltesse, dont le nom n’a pas été cité une seule fois, il a beaucoup été question. Les premiers éléments du programme du candidat socialiste dans la course au palais Rohan ont été décryptés et critiqués les uns après les autres. « Je souhaite éviter les contre-vérités et le dénigrement systématique, a asséné le maire. Je ne raconterai pas de bobards, contrairement à mon principal adversaire.» Une façon, pour le grand favori du match électoral à venir, de renvoyer à sa condition de challenger le président de la CUB et député, qui « parle au peuple de gauche alors que je m’adresse à tous les Bordelais.»

Feltesse en prend pour son grade
Les oreilles de Vincent Feltesse ont donc dû siffler, hier matin.
Evoquant un florilège d’« à peu près », liés « sans doute à un manque de connaissance de la réalité bordelaise », Alain Juppé a répondu point par point aux annonces de son rival : Bordeaux n’est pas une ville de vélo ? « Nous avons été classés quatrième ville de vélo par un classement scandinave et il y a un plébiscite quotidien des Bordelais.» Feltesse veut que le tram desserve Caudéran ? « Sous sa plume, la CUB s’est portée candidate pour un bus à haut niveau de service à Caudéran. Je ne comprends pas, ça manque de cohérence. Je me suis rallié à cette idée d’un bus.» En repoussant la mise en place de la réforme des rythmes scolaires à la rentrée 2014, Bordeaux perdrait la subvention de l’état ? « Il a un temps de retard. Les subventions sont maintenues en 2014.» Le candidat socialiste évoque un fiasco en matière de culture à Bordeaux ? « Nous sommes dans le peloton de tête de tous les palmarès.» Les impôts locaux sont trop élevés à Bordeaux ? « Ils sont élevés, je ne l’ai jamais caché. Mais nous sommes l’une des villes où les impôts ont le moins augmenté au cours de la dernière décennie.» Trop d’embouteillages et de pollution atmosphérique à Bordeaux ? « Manque de pot, c’est une responsabilité de la CUB, dont nous sommes solidaires.»
Passées ces amabilités, Alain Juppé a livré son sentiment sur un adversaire dont il ne comprend pas qu’il dise se « battre pour un ballottage. C’est être présenté comme battu d’avance.» Pas avare de critiques, le maire affirme aussi qu’il « ne partage pas la curieuse éthique politique » de son rival : « il est contre le cumul des mandats mais il a été classé comme l’un des premiers cumulards de la région. Il est pour l’égalité hommes-femmes et prend la place d’une femme pour devenir député. Sa seule légitimité à exercer la présidence de la CUB est d’être conseiller municipal à Blanquefort et il n’y met plus les pieds depuis dix séances...»
Michèle Delaunay, qui s’est engagée aux côtés de Vincent Feltesse (notre édition de lundi), en a également pris pour son grade : « notre éminente ministre des personnes âgées veut "déringardiser" Bordeaux. Cela va faire plaisir aux Bordelais... Notre ville est ouverte et attractive.» 

« Rien n’est acquis »
Puis Alain Juppé a parlé de lui. Largement en tête dans les sondages (le dernier le donne vainqueur au premier tour avec 59% des voix), le maire explique qu’il « ne part pas gagnant d’avance. Cela n’existe pas dans une élection, rien n’est acquis. Après, vous dire que les sondages m’inquiètent serait mentir... Ils ont ça de bon qu’ils sapent le moral de l’adversaire. Le danger, c’est qu’ils peuvent inciter une partie de l’électorat à se dire que c’est gagné et que ce n’est pas la peine d’y aller.»
Le projet du maire pour la prochaine mandature sera présenté vendredi, lors d’un meeting au théâtre Femina. Il formulera des propositions dont il a donné un avant-goût hier : en matière de propreté, la « solution serait que la CUB délègue l’ensemble de la compétence à la Ville car c’est là qu’est la proximité.» Concernant les transports, outre la desserte de l’aéroport, le maire souhaite accélérer la mise à 2 x 3 voies de la rocade et la délester du trafic international de poids lourds, via le rail et/ou un contournement autoroutier par l’Est. Sur le plan économique, il souhaite créer un « conseil des entrepreneurs » afin de « rétablir un climat de confiance.»
Enfin, Alain Juppé ne cache pas que la reconquête de la CUB est également un objectif majeur : « je pense qu’on peut gagner et l’arrogance de la gauche de dire "on est sûr de gagner la CUB" n’est pas justifiée.»
Cette fois, le match est bel et bien lancé. •


Olivier Saint-Faustin

Photo : Hier, Alain Juppé s’est montré très offensif au moment de lancer la deuxième phase de la campagne des municipales © OSF