«
Déjà lauréat du Goncourt des Lycéens coorganisé par la Fnac, « Le Quatrième Mur » de Sorj Chalandon a aussi les honneurs de l’Escale du livre qui lui a décerné son premier Prix littéraire, en lien avec les bibliothèques de l’agglo. On l'a lu pour vous, et on vous le recommande chaudement.


Il faut dire qu’il y a de quoi : on n’avait pas attendu ce 6e roman pour savoir la plume de Chalandon abreuvée de littérature, de finesse et, souvent, d’un réalisme inspiré par les faits, la vérité nue et vue au cours de la trentaine d’années passées par l’auteur comme grand reporter, pour « Libé », notamment. Après l’Irlande du Nord dans « Mon Traître » et « Retour à Killybegs », Chalandon nous entraîne avec son personnage, Georges, dans l’enfer du Liban en guerre en 1982. Georges a fait une promesse à Sam sur son lit de mort, Sam « le résistant grec, le juif devenu sioniste mais resté pro-palestinien », celui pour qui « le drame était un cadeau qu’il emballait de burlesque ».

La promesse de réaliser son rêve fou : monter « Antigone » d’Anouilh dans Beyrouth sous les bombes, un peu à la manière dont ce dernier avait adapté la tragédie de Sophocle dans le Paris occupé par les nazis en 1941. Avec le sourd espoir que l’art, le verbe, pourraient unir Chrétiens, Phalangistes, Palestiniens, Druzes, Chiites, Nassériens, Chaldéens, Maronites et autres Arméniens – tous tour à tour alliés ou ennemis dans le grand patchwork de la haine. Ou, à défaut, celui d’une « trève poétique ».


Hélas, la guerre a sa mécanique implacable, et Georges se retrouve vite à sortir du « mandat » que lui avait confié Sam. « Le pistolet d’un Druze, le fusil d’un chrétien. Je fréquentais le métal, pas le coeur humain. » À son corps défendant, le voilà aux côtés d’un sniper en haut d’une tour. Le voilà suivant Imane, son Antigone, au secours des quartiers sud de Beyrouth (les tristement célèbres Sabra et Chatila), brûlant sous le phosphore des bombes israéliennes.

Narration haletante, entrecoupée de brefs retours à Paris, en famille : « J’ai regardé le miroir au-dessus de la cheminée. Ma bouche tordue, mon regard casqué. » « La guerre avait rendu ma femme comme veuve. » La tragédie n’a nulle frontière et « personne ne quitte ce monde vivant ». Un roman fort, déchirant. •

Sébastien Le Jeune



Sorj Chalandon, «Le Quatrième Mur» (Grasset), en vente à la Fnac, 19€. 

Avec la Fnac, cinq exemplaires à gagner sur notre site.

Sorj Chalandon sera présent à l’Escale pour deux rencontres : le grand débat « La littérature face au mal » samedi 5 avril à 18h (salle Vitez), et à l’issue de la remise de son Prix, dimanche 6 à 11h au studio de création du TnBA. Entrée libre. Plus d’infos sur www.escaledulivre.com 


 

Photo : Sorj Chalandon nous emmène au coeur de la guerre du Liban, au début des années 1980. © Jean-François Paga - Grassett