À partir de mercredi, l’espace chapiteaux de Saint-Médard-en-Jalles accueillera du cirque de haut vol : « Un dernier pour la route », la toute dernière création du très réputé Collectif AOC et sa première entièrement réalisée en Aquitaine depuis son arrivée en compagnonnage à l’Agora de Boulazac, près de Périgueux.


Et déjà, la compagnie anciennement rémoise arrive dans le secteur précédé d’un excellent bouche à oreille après la création mi-mars à l’Agora, pôle national des arts du cirque en Aquitaine. Y compris parmi les professionnels qui attendaient avec impatience les fruits de l’installation du collectif dans notre région longtemps restée un « quasi-désert » pour les arts de la piste (notre édition du 16 octobre 2012). 


Les dates bordelaises qui se profilent seront d’ailleurs pour la compagnie l’occasion de transformer l’essai, tant auprès du public que des pros, invités en masse pour donner de l’avenir au spectacle : « Notre arrivée a été synonyme de second souffle pour nous, indique Marlène Rubinelli Giordano, la directrice d’AOC. Ça donne un supplément d’énergie de se sentir aussi bien accueillis par des gens motivés de nous avoir. La Région a mis le paquet en nous aidant à tourner dans les cinq départements*. On espère maintenant, avec ces dates à Bordeaux et notre passage prévu à Circa, à Auch (Gers) en octobre prochain, être visionnés par un maximum de pros en espérant obtenir au moins une centaine de dates et donner trois ou quatre ans de vie au spectacle. Il faut ça pour amortir le temps et le travail de création, la tournée avec les camions et la vingtaine de caravanes, les montages du chapiteau... – ça et des aides publiques, sans quoi il faudrait qu’on fasse payer les entrées autour de 50€, ce que peu de gens peuvent se permettre en ces temps de crise. » 



« Un dernier... », ou le dernier ?

Bon, et concrètement, « Un dernier pour la route», ça raconte quoi ? « On n’essaie pas à proprement parler de raconter une histoire, reprend Marlène Rubinelli Giordano. Ce sont plutôt des histoires articulées autour d’un fil conducteur qu’on espère perceptible par le spectateur sans trop lui fermer le regard : ça nous paraît important que chacun puisse y poser ses propres émotions et sentiments. » Le fil rouge, ici, c’est l’individu face au groupe, le fameux “vivre ensemble”, cette façon qu’a chacun de chercher sa place au sein d’un collectif, d’une tribu. 


Pour AOC, cela se traduit par de solides performances, en solo ou en groupe, toujours avec un certain humour flirtant parfois avec l’absurde. Portés, trapèze ballant, mât chinois, trampoline, fil de fer, cadre aérien... Le tout avec une écriture « assez cinématographique, riche en flashbacks » et « une certaine atmosphère de fin de fête, un peu comme quand on a commencé à travailler dessus, tous autour d’une table, comme si ce “dernier pour la route”, c’était le dernier regard tous ensemble, avant de nouveaux départs pour autre chose... » 


Car, en creux, se dessine un autre propos, celui de l’individu et du groupe face au vieillissement des corps « tellement maltraîtés par le cirque ». Est-ce à dire que ce « Dernier pour la route » sera le dernier d’AOC ? « J’espère que non », insiste la directrice, toujours en piste même si ses 43 ans font d’elle l’aînée du collectif. « C’est vrai que nous quatre, les fondateurs, commençons à sentir une certaine résistance qui s’installe dans le corps. Mais, malgré la douleur et la fatigue, il y a toujours ce je-ne-sais-quoi, cette flamme qui nous donne envie de créer et d’être encore en scène. Non, on espère vraiment qu’il y aura au moins encore un autre grand spectacle avant qu’on songe à tourner la page... » •

Sébastien Le Jeune

Du jeudi 3 au vendredi 11 avril (relâche lundi 7), à 20h30 sauf le 6 à 17h et le 9 à 19h30, 13-22€. Navette gratuite à Ravezies, mardi 8 à 19h45. Plus d’infos et réservations : www.lecarre-lescolonnes.fr 
* À Bordeaux, outre l’Oara et le Carré-les Colonnes, la co-réalisation inclut le Créac de Bègles, l’Iddac et le TnBA avec le soutien de la CUB.

Photo : En tout, 10 circassiens et deux musiciens en piste pour une réflexion sur le “vivre ensemble”. © Géraldine Aresteanu