À la galerie des Beaux-Arts, 90 oeuvres, des peintures, des gouaches et des dessins, retracent du XVIIIe au XXe siècle, la fascination que l’Orient mythique a exercé sur les artistes (des français principalement), dont le plus célèbre demeure Eugène Delacroix. À voir jusqu’au 23 juin.


C’est un voyage organisé en Orient que propose le musée des Beaux-Arts. Le parcours que dessine l’accrochage classique est guidé par une chronologie et des thématiques. On se promène sur les rives orientales de la méditerranée avec quelques excursions en Afrique du Nord. L’ensemble remarquable de tableaux rassemblé ici provient de la collection du musée. 


Ce que l’on intercepte rapidement dès la première salle consacrée aux origines de l’orientalisme, c’est la manière dont l’exotisme a fécondé l’imaginaire occidental en offrant aux peintres un copieux répertoire et des thèmes puissants. On observe aussi combien cet « ailleurs » fantasmé a permis aux artistes d’inventer une palette plus exubérante en l’augmentant de plusieurs tons. Le rouge, le vert et l’or dominent les compositions. 


C’est au XIXe siècle que cette sensibilité pour l’Orient, ce lieu de l’épopée biblique, sera la plus aiguë en raison de trois événements historiques majeurs, tous situés autour de la méditerranée, qui vont marquer les intellectuels et les artistes : l’expédition française en Égypte (1798-1801), la lutte des Grecs pour leur affranchissement de la domination ottomane à partir de 1820 et la prise d’Alger en 1830. C’est aussi au XIXe siècle que les artistes se mettent à voyager et visitent l’Egypte, le Maroc, l’Algérie, etc. Les représentations deviennent donc plus réalistes. 



Delacroix, de Tanger à Bordeaux

En 1832, Eugène Delacroix (1798-1863) débarque au Maroc. Il écrit dans son journal : « Je suis (...) comme un homme qui rêve (...) Il y a des tableaux tout faits (…) et le beau court les rues... » Trois oeuvres du peintre sont montrées dans cette exposition, dont le tableau « Cavalier de la garde du sultan du Maroc » réalisé en 1845 montrant un homme assis au pied de sa monture, vêtu d’amples vêtements blancs. La présence de ces oeuvres dans la collection du musée est notamment due aux liens qui unissent l’artiste à Bordeaux où il a vécu enfant de 1803 à 1805. Son frère aîné, le général Charles-Henri Delacroix, est enterré au cimetière de la Chartreuse aux côtés de son père. 


Le peintre bordelais Narcisse Díaz de la Peña (1807-1876), qui admirait Delacroix, était également fasciné par l’Orient. Son œuvre « Les Femmes souliotes » (vers 1830) restitue dans une étonnante composition dramatique l’histoire de ces femmes grecques en Épire qui au cours de l’année 1804 se jetèrent dans le fleuve Achéloos pour échapper aux soldats turcs.


Dans la dernière salle située au sous-sol de la galerie des Beaux-Arts, l’exposition donne à voir une sélection d’oeuvres d’artistes du XXe siècle dont certains ont été pensionnaires-boursiers de la villa Abd-el-Tif à Alger, une résidence créée en 1907 sur le modèle de la villa Médicis à Rome et fermée en 1962 au moment de l’indépendance du pays. On y découvre les travaux de ces peintres surnommés « les Abd-el-Tif » qui ont contribué à façonner une peinture algérienne « débarrassée du bric-à-brac romantique et de l’orientalisme de bazar ». •

Camille Carrau

« Orientalismes », Galerie des Beaux-Arts (place du Colonel-Raynal), de 11h à 18h (sauf lundis et fériés), 2,50-5€. Visites commentées les mercredis et samedis à 16h. www.musba-bordeaux.fr 

Photo : L’Orient a marqué de son empreinte nombre d’artistes, dès le XVIIIe siècle – ici, un Jean-Baptiste van Mour montrant la visite de l’ambassadeur de France à Constantinople – et jusqu’au XXe (Pierre Roblin, en Une). © Musée des beaux-Arts - Bordeaux