«Tiens, re-voilà Alfred, notre Bordelais Fauve d’or à Angoulême cette année ! Cette fois, on le retrouve associé à Fabrizio Silei pour un album jeunesse où « La Guitare de Django » raconte la vie du prodigieux Monsieur Reinhardt.

Django le miraculé, Django et son style unique aux deux doigts valides virevoltant sur les cordes de sa guitare, Django l’inventeur d’un nouveau style de jazz... Un personnage à la destinée aussi extraordinaire qu’exemplaire, qui valait bien un album – surtout un aussi bon. D’autant plus que, si tout le monde a forcément entendu ses standards (« Minor Swing », « Belleville », « Nuage »...), l’épopée du monsieur, son ascension, son accident et son retour opiniâtre à la scène pour finalement conquérir les États-Unis berceau du jazz, tout cela reste flou pour beaucoup. À commencer par le dessinateur de cet album lui-même : « Je connaissais la figure, les morceaux connus mais ça s’arrêtait là, admet Alfred. Je ne savais même pas la raison de son handicap ! Grâce à ce projet, j’ai découvert son parcours fascinant à la dimension romanesque. Dans le prolongement de “Come Prima” pour lequel je m’étais plongé dans des images d’archives des années 1950-1960 en Italie, j’ai pris le même plaisir à m’immerger dans cet univers des Tsiganes et du Paris des années 1920-1950. » 


Une découverte venue par un exercice dont Alfred est peu coutumier : une proposition de La Sarbacane, l’éditeur chez qui il avait publié « Bob le raté » avec Guillaume Guéraud. « Je ne suis pas fan du travail sur commande mais Fabrizio Silei est d’origine italienne, un facteur qui joue beaucoup pour moi affectivement. Et puis j’ai lu son joli texte, et je me suis vite mis en quête des choses que je pourrais raconter, apporter en images. »

Et puis, c’était pour lui l’occasion d’expérimenter l’illustration sur des grands formats – l’album regorge de somptueuses doubles pages avec le texte en défonce. « C’est un livre étrange, dont je me suis dit qu’il avait sa place, comme une passerelle avant de me lancer dans les grands formats que je projetais pour l’expo “Italiques” pendant Regard9. » [dont Alfred était l’invité d’honneur, en mai dernier, ndlr]


On y retrouve les prémices de ce style « plus brut, moins fignolé », où « l’accident, l’imperfection ont toute leur place ». Alfred signe la couleur lui-même, faisant le choix d’une palette restreinte – 3-4 couleurs par page, comme son dessin, « à l’épure ». Une belle histoire pour un album très réussi. Parfait pour patienter avant son portfolio autour du baiser volé à paraître à la rentrée chez N’a Qu’1 Oeil et, surtout, en 2015, le fruit de ses deux ans à suivre, avec David Chauvel, Étienne Daho depuis la création jusqu’à la tournée de son dernier album. •

Sébastien Le Jeune


Fabrizio Silei et Alfred, « La Guitare de Django » (Sarbacane), en vente à la Fnac, 16€


Photo : Avec le passage au grand format, le style d’Alfred se fait brut, la palette restreinte. Une réussite. © Éditions sarbacane