Ce ne sera donc pas Barcelone mais Cenon.

La création mondiale de la trilogie «Des femmes» mise en scène par Wajdi Mouawad aura lieu fin juin au Rocher de Palmer dans sa distribution originelle. C’est-à-dire avec Bertrand Cantat sur scène, parmi les choeurs qui interprètent la musique composée par lui. Après les polémiques déclenchées au Canada, au festival d’Avignon puis à Barcelone, c’est donc en Gironde, chez Cantat, que la création de Mouawad, trilogie d’après Sophocle, va pouvoir se jouer. Le directeur du Rocher de Palmer, Patrick Duval, s’explique.

Qui est à l’initiative de cette collaboration ?
Patrick Duval : Dès le départ nous étions intéressés pour accueillir cette pièce à la rentrée. Mais nous nous étions positionnés un peu tard, il n’y avait plus de dates disponibles. Quand la polémique s’est déclenchée, j’avais dénoncé sur le blog du Rocher ce que je considérais comme une double peine pour Cantat. Pour moi, c’est un condamné qui a purgé sa peine et qui a donc le droit de rendre ses activités antérieures. Ensuite, ce sont les gens de la compagnie de Wajdi Mouawad qui m’ont contacté car ils avaient de grosses inquiétudes concernant Barcelone. Le festival qui les accueillait est organisé par la mairie, or il tombe en pleine campagne électorale pour les municipales. Comme la compagnie s’y attendait, ils ont pris peur et ils ont annulé. Elle m’a donc demandé si ma salle était libre pour qu’ils puissent travailler chez nous.

Vous n’avez pas hésité ?
On a pris un délai de réflexion. J’en ai parlé au maire de Cenon Alain David qui a tout de suite dit oui. Nous étions sur la même longueur d’ondes. Ma position est de dire que nous défendons l’oeuvre de quelqu’un qui compte dans le théâtre contemporain. Je suis touché par la démarche de metteur en scène de Mouawad même si le théâtre n’est pas mon univers. Donc c’était oui. Ils sont venus visiter la salle, car nous sommes un lieu de musique, pas de théâtre. Ils vont devoir s’adapter techniquement, mais ils n’ont guère le choix. Finalement cette création mondiale va se faire ici, et c’est formidable.

Le Rocher avait déjà fait réagir avec l’affaire Sexion d’Assaut, quand vous aviez maintenu le concert de ce groupe qui avait tenu des propos homophobes. Le Rocher va-t-il se positionner comme une salle qui accueille les artistes qui font polémique ?
Ce sont deux cas très différents mais c’est vrai que c’est une question qui m’a traversé l’esprit. Pour Sexion d’Assaut, on avait affaire à des gens qui avaient dit une connerie, reconnu leur erreur et mis en oeuvre des outils pour la réparer. Dès lors, on pouvait les programmer. ça ne veut pas dire qu’on en fera une spécialité. Il est clair que nous ne programmerons pas Dieudonné, par exemple. Car lui assume ses propos antisémites, les revendique et en fait même son fonds de commerce.

Pour Cantat, vous savez aussi qu’il bénéficiera à Bordeaux d’un accueil plus positif qu’ailleurs
Oui, c’est sûr. Mais pour nous, il s’agit d’accueillir l’oeuvre de Wajdi Mouawad. Il a fait appel à Bertrand Cantat car ils sont amis depuis longtemps. Il est présent sur scène mais n’est pas mis en avant. Il a purgé sa peine et reprend progressivement ses activités. Sauf à vouloir se faire justice soi-même, il n’y a pas à l’en empêcher. Ici, je ne pense pas que ça fera polémique.•
Recueilli par Sophie Lemaire
Représentations du 28 juin au 2 juillet. Seules celles des 1 et 2 juillet présenteront la trilogie intégrale. Rens. : www.lerocherdepalmer.fr