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Rap : Joke, blague à part... PDF Imprimer Envoyer
Mardi, 04 Novembre 2014 06:00

Fer de lance d’une vigoureuse scène hip hop montpelliéraine, Joke avait affiché complet lors de son premier passage au Rocher en mai... Avant même la sortie de son 1er album, « Ateyaba » (Def Jam), petit bijou aussi lascif qu’engagé, qu’il vient défendre pour de bon, le 15 novembre. Entretien. 


 

La première chose qui frappe quand on écoute l’album, c’est la variété des instrus – tantôt electro-hip hop/trap, tantôt old school, tantôt lazy… Comment s’explique cette richesse 
sonore ?

En réalité, pour beaucoup, il s’agit d’instrus assez anciens. Je pense à l’album depuis très longtemps, avant même les EPs « Kyoto » et « Tokyo ». Le fait est que dès mes débuts en 2008-2009, avec le microbuzz que j’avais fait sur Myspace, des beatmakers m’ont repéré et ont commencé à m’envoyer leurs sons. C’est comme ça que j’ai emmagasiné beaucoup de prods, de partout en France, de Belgique, des USA… – un long processus, auquel j’ai beaucoup réfléchi.

Bon, le système a ses limites : maintenant que je suis plus connu, j’en reçois des tonnes sur ma boîte mail, trop, et j’ai l’impression qu’il y a moins de qualité qu’avant. Pour le 2e album, je procéderai différemment, avec une poignée de producteurs qui chacun apporteront leur patte – 4-5, pas plus, et je pense déjà savoir qui.



Les instrus viennent d’un peu partout et, pourtant, il y a quelque chose d’une “MTP touch”, un truc spécifique à Montpellier. Qu’est-ce qui explique la vitalité de votre scène locale ?

Des bonnes scènes, je pense qu’il y en a dans toutes les villes de province, chaque ville à son délire à elle mais ça reste souvent dans l’ombre : jusqu’ici, il y a toujours eu un gros monopole parisien, avec un peu de Marseille. D’où cette impression de délire toujours pareil. Je pense que Montpellier a su se démarquer avec un son plus léger qu’à Paris, moins dur qu’à Marseille. Plus festif peut-être.

Cela dit, la chance que j’ai eue a été de partir un an sur Paris, monter mes premiers projets, trouver un label, nouer beaucoup de contacts… Ça aide à se faire voir par la France entière alors ça reste quand même limite un passage obligé – le schéma n’est pas systématique mais si vous regardez bien, que ce soit chez vous à Bordeaux, des Sam’s ou Black Kent, ou dans le Nord comme Gradur, tous ceux qui ont commencé à marcher ont un pied dans leur ville, un autre à Paris, pour le business.



Une chose qui se ressent très fort sur l’album, bien plus qu’auparavant, c’est votre côté engagé. Mais avec des « Négro, pour enc**er Marianne, faut juste les papiers pour s’essuyer » (in « Majeur en l’air »), vous n’avez pas peur d’être mal compris ? Peur que vos propos soient mal interprétés ?

C’est bien que vous ayez perçu ça, entendu le message disséminé dans tout l’album. Beaucoup d’autres n’ont pas capté ce côté-là, disant que je racontais n’importe quoi, que c’était gratuit. Mais non ! Les textes de l’album, je les gardais avec moi, je les ai mûris avec l’âge – toutes les punchlines, tous les doubles sens, ça a été beaucoup réfléchi. La phrase que vous avez extraite est sans doute plus provocatrice et a pu être mal interprétée mais il n’y a pas grand monde à m’avoir demandé pourquoi j’ai dit ça. En fait, mon but, c’est pas de “baiser” la France et les Français : je n’ai pas de problème avec les Français eux-mêmes, juste avec les politiques. Des phrases comme ça, c’est pour amener les gens à s’interroger.


C’est particulièrement perceptible dans le morceau-titre « Ateyaba », hommage à votre grand-père togolais qui s’est battu pour la France pendant la 2e Guerre mondiale : « Tous ces racistes ignorants qui ne savent pas que leur pays a été bâti sur notre sang »…

Oui, je crois que celle-là éclaire le discours, tout est dedans. En particulier des choses qui ne sont pas vraiment dites dans les écoles, dans les médias. Je ne voulais pas m’arrêter au discours des rappeurs “conscients” sur la manipulation par les médias, je veux vraiment faire réaliser des choses à des jeunes Français, qu’ils soient noirs ou blancs. Sur le passé colonial de la France, sur le sang versé par l’Afrique, sur l’ignorance qui entoure tout ça, sur ces faits pas très glorieux pour le pays mais qu’il vaut mieux, selon moi, regarder en face. Ça ne veut pas dire que les Arabes ou les Noirs sont en droit de faire n’importe quoi mais il faut que les gens réalisent qu’ils ne sont pas là par hasard.



L’autre point qui a pu choquer, ce sont vos lyrics bien “dirty” – vous revendiquez « hérisser les poils de chatte des féministes ». Vous avez vraiment une image si négative de la femme ?

Pas du tout ! Il y a quelques femmes qui sont comme ça, faciles. Mais, pour quelqu’un comme moi qui ai été élevé par ma mère, je n’ai vraiment pas cette image-là de ma mère ni de la plupart des femmes. Ok, on est une génération débridée, mais pas déprimée : on a tous au fond de nous l’envie de trouver une femme, de fonder une famille. Le tout est de bien choisir les personnes que l’on fréquente, hommes ou femmes il y a de mauvais partout.

Mais mes lyrics, il faut les prendre avec du recul : l’égo trip, se fabriquer un personnage, c’est quelque chose que j’ai toujours adoré dans le rap. Ça peut paraître choquant mais, pour moi, c’est de l’amusement. Et les meufs qui chantent « 4 Pattes » au premier rang, ce ne sont pas forcément des filles faciles : il y a des filles que ça fait rire, tout simplement ! •

Recueilli par Sébastien Le Jeune

Samedi 15, avec Hok et Anna Kova en 1res parties, au Rocher de Palmer (Cenon), 20h30, 18-22€. lerocherdepalmer.fr

Photo : « Je n’ai pas de problème avec les Français eux-mêmes, juste avec les politiques. » © Ojoz

 

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