Attention, espèce menacée. Le catalogue de l’éditeur indépendant Les Requins Marteaux offre depuis vingt ans une vision iconoclaste, irrévérencieuse et expérimentale de la bande dessinée française.

Depuis le printemps, ils ont quitté leur terre albigeoise pour s’installer à Bordeaux, dans les locaux de la Fabrique Pola. Seulement voilà, nouveaux bureaux ou pas, cette aventure éditoriale à la fois radicale et risquée pourrait s’achever prématurément. L’éditeur connaît aujourd’hui « une sale passe avec un défaut de trésorerie et une dette auprès de l’imprimeur qui s’élève à 60 000€ » précise Thomas Bernard, en charge de la diffusion et de la distribution depuis 2005.

Un appel aux lecteurs
Cette somme rondelette ou dérisoire selon le point de vue adopté, peut être réunie si Les Requins Marteaux parviennent à vendre leurs livres, t-shirts, affiches, planches de BD originales…  Alors plutôt que de solliciter les collectivités ou des mécènes difficiles à convaincre, Les Requins Marteaux ont choisi de solliciter les amateurs de BD. « Vous les achetez ? Nous sommes sauvés » disent-ils, non sans humour. Un pari courageux qui place l’avenir de cette maison d’édition entre les mains des lecteurs qui peuvent trouver une grande partie de leurs publications en librairie. Concerts de soutien un peu partout en France, conférences, expositions, ventes aux enchères de planches originales sur le site www.lesrequinsmarteaux.org, tous les moyens sont bons pour éponger les dettes. Près de 20 000€ ont déjà été trouvés à ce jour, mais les factures qui se sont accumulées entre temps laissent le déficit inchangé. Rappelons que « Pinocchio » de Winshluss (Fauve d’or à Angoulême en 2009), c’est eux, que « Santa Riviera », de Morvandiau et Mancuso, c’est encore eux, ou encore que «Dol» de Philippe Squarzoni, un objet expérimental associant recherche graphique et journalistique, c’est toujours eux. « Nous n’avons aucune ligne éditoriale, mais des projets, nous n’en manquons pas pour les années qui viennent » conclut avec mordant Thomas Bernard.• Cyril Vergès