Y aura-t-il un jour des maisons flottantes sur la Garonne ? Une chose est sûre, la premiere ne sera pas celle de la famille Laborde.

Et pour cause : la sympathique famille qui a ancré sa maison à quelques encablures du pont de pierre, en plein centre-ville de Bordeaux, n’existe pas vraiment. Elle a été inventée de toutes pièces par la compagnie bordelaise Opéra Pagaï, invitée par Evento à créer un événement dans le cadre de la biennale artistique et urbaine. Comme elle le fait toujours, la compagnie a décidé d’investir l’espace public, en l’occurrence le fleuve, pour y raconter une histoire : celle d’une famille bordelaise en quête du logement idéal, associant commodités du centre-ville et qualité de vie des espaces naturels. Une famille assez audacieuse pour décider de tenter l’aventure de la vie flottante. Et comme d’habitude avec Opéra Pagaï, le scénario n’est pas sans lien avec une certaine réalité sociale. 

« Pas un canular »
Bien sûr les Laborde n’existent pas et leur maison flottante autonome n’en est pas vraiment une (encore que les comédiens vivent effectivement à bord pendant toute la quinzaine Evento). Mais son histoire s’inscrit dans une réelle problématique liée à l’accroissement démographique planifié de l’agglomération bordelaise. Où loger les nouveaux habitants ? Comment conserver, voire améliorer nos conditions de vie dans une ville  millionnaire ? Et comment aborder la question des habitats alternatifs ? « Si nous avons inventé toute cette histoire, ça n’est pas pour faire un canular aux Bordelais, explique Cyril Jaubert, metteur en scène de la compagnie Opéra Pagaï. Nous avons simplement considéré que présenter cela sous la forme d’une histoire crédible était un bon moyen d’interpeller les gens, de les inciter à s’identifier -positivement ou négativement- à cette famille, pour mieux se poser des questions sur notre façon d’habiter la ville et sur notre rapport à ce fleuve. Notre idée était de nous rapprocher de la Garonne en la rendant «vivante», tout simplement. C’est pour cela que nous ne figurons pas dans le programme officiel d’Evento et que nous avons demandé à la mairie, aux organisateurs et à la presse de nous accompagner quelques jours dans cette jolie histoire avant d’en révéler les dessous». Depuis vendredi, le grand public peut embarquer depuis le ponton d’honneur pour une promenade en bateau jusqu’à l’île mystérieuse, à la rencontre de ses habitants. En général la belle histoire des Laborde, quand même un peu rocambolesque, ne résiste pas à cette visite rapprochée. Et la découverte de la cabane en bois, de la ménagerie (la chèvre Montesquieu, le mouton Montaigne et l’agneau noir Mauriac) et de l’éolienne en liège provoque plutôt de grands éclats de rires. «C’est aussi pour ne pas gâcher ce plaisir-là que nous avions besoin de l’effet de surprise», explique Cyril Jaubert. A partir d’aujourd’hui, la maison flottante va retrouver son véritable statut : celui d’une performance artistique ludique bien en prise avec les problématiques de la société qui l’entoure. En cela, Opéra Pagaï s’inscrit parfaitement dans le credo d’Evento 2011.• Sophie Lemaire
Les visites (gratuites) vers la maison flottante se poursuivent toute la semaine. Se présenter au ponton d’honneur sur le quai Richelieu.