Soprano, l'interview en intégral : « J’ai divorcé avec la mélancolie » |
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Jeudi, 09 Avril 2015 06:00 |
Des concerts à guichets fermés un peu partout (mais pas encore tout à fait à la Médoquine de Talence ce jeudi soir), des disques tous certifiés de platine – et même au cours dévalué du platine ça fait un paquet d’albums vendus – et ses chansons dans toutes les têtes : le Marseillais Soprano est revenu en force avec son 4e album, « Cosmopolitanie ». Entretien.
Avec ce disque, la première bonne surprise, c’est cette impression de retrouver le Sopra rappeur-chanteur – la musicalité de « Comme une bouteille à la mer » ou le chant de « France Jeunesse » sur les premiers Psy4 de la Rime… Le Soprano, quoi… Le fait que Maître Gims, Black M, Stromae aussi dans un genre proche, jouent aussi cette carte du chant vous a-t-il encouragé dans ce sens ? J’ai toujours eu la conviction que le chant peut aider à faire passer certains messages. Prenez le titre « Hello », par exemple, sur un petit garçon rescapé d’un massacre : pour moi, il fallait que ce soit chanté. Et d’une voix assez douce, de préférence. Certains vont vous dire qu’ils ont un message positif en emballant le tout dans un rap très dur – moi, quand le son m’agresse j’ai du mal à entendre le positif. L’autre surprise de cet album, c’est sa variété de styles – qui explique pas mal son succès, non ? Là encore, tout est dans le concept, résumé par le nom de l’album. Comme à chaque fois, d’ailleurs – la thérapie avec Pascale Clark dans « Puisqu’il faut vivre », la dualité avec « La Colombe » et « Le Corbeau »… Je suis parti, je n’avais que le titre mais il définissait déjà le fond (le mélange, le métissage…) et la forme, que j’imaginais diverse, colorée. Le temps que j’ai passé à écrire a pas mal joué aussi. C’est marrant, il y a comme un effet météo (rires) : je distingue a posteriori les morceaux écrits en hiver, « Hello », « Préface » ou « Kalash & Roses », et ceux d’été, comme « Fresh Prince » ou « Même pas un peu » qui collent avec la période des mariages, quand on écoute plein de musique africaine avec les cousins… Reste ce touchant « Mélancolie », qui renvoie à un titre de votre premier album et à celui de votre autobiographie sortie l’an dernier. Vous êtes toujours en train de tourner la page ? Il y a aussi ce titre, « Ils ne nous connaissent pas », un constat assez désabusé sur la jeunesse… Quand je vois ce qu’il se passe avec les jeunes dans les quartiers, à Marseille, comment prendre la vie de quelqu’un est devenu presque normal, ne déclenchant aucune culpabilité, je me dis qu’on a laissé s’installer un fossé entre eux et la société, entre eux et le reste du monde. Par nature, j’ai envie de rester positif, même si j’ai peur, peur pour mes enfants, mes neveux, mes petits cousins. Si on ne se préoccupe pas très vite de cette situation, de ces jeunes coupés du système prêts à être endoctrinés jusqu’à la folie, il y aura d’autres Coulibaly, c’est sûr. Pourtant, la solution, elle est simple : s’intéresser à eux, les aider à s’en sortir. Quand j’étais jeune, on avait des classes vertes, des colos pour lesquels mes parents n’ont pas versé un sou – ils n’en avaient pas les moyens. Il y avait des initiatives, des grands frères, des associations… Et ça m’a empêché de faire beaucoup de conneries. La tournée, ça se passe comment ? Vous avez le temps de penser à la suite ? Ce jeudi soir, à la Médoquine (Talence), 20h, 34€. Tél. 05 56 48 26 26, www.box.fr ou réseaux habituels.
Photo : « Si on ne se préoccupe pas très vite de ces jeunes coupés du système, il y aura d’autres Coulibaly. » © Didier D. Daarwin |