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Rencontres africaines de Pessac : Enchantée ? Eh bien dansez maintenant ! PDF Imprimer Envoyer
Mercredi, 20 Mai 2015 06:00

Pour fêter en beauté leurs 25 ans, les Rencontres africaines de Pessac nous font un joli cadeau en invitant samedi, en partenariat avec le Rocher de Palmer, le « Bal de l’Afrique enchantée », déclinaison festive du rayon de soleil dominical de France Inter. Où l’on retrouve sur scène ses deux animateurs, Vladimir Cagnolari et Soro Solo. Entretien avec ce dernier.

 

 

Alors, le Bal de l’Afrique enchantée, pour reprendre la question sur votre site, « c’est quoi même ? »
(Rires) Eh bien, le Bal, c’est un orchestre de 11 musiciens de toutes origines qui piochent dans tout un répertoire de musiques électrifiées de l’Afrique, des Indépendances dans les années 1960 à aujourd’hui. Onze « Mercenaires de l’ambiance » qui délivrent des heures de « musiques à transpirer ».
Et Vlad et moi, on fait les chœurs – comme on peut – et on danse.

Vlad danse aussi ? On dit pourtant que « les Blancs ne savent pas danser »…
(Rires) C’est une connerie, ça ! À l’évidence, en Afrique, depuis le sein et même le ventre de sa mère, l’enfant est baigné dans des sons, des rythmiques qu’il a sans doute pu enregistrer, pour être peut-être mieux calé sur les temps, les contretemps… Une maman enceinte qui coupe du bois ou pile le mil transmet certainement un certain sens du rythme. Mais c’est quoi la danse ? La danse, c’est juste ton esprit qui reçoit une émotion que tu as envie d’exprimer, qui te fait bouger. C’est juste ça alors, partant de ce principe, tout le monde peut danser ! Même Vlad. En plus, comme il a beaucoup voyagé en Afrique, il a quelques notions acceptables (rires).

Vous dites que vous dansez et chantez mais vous parlez aussi. Vous n’avez pas abandonné le côté didactique voire engagé de l’émission en passant de la radio à la scène…
C’est vrai – mais on parle moins qu’à la radio, quand même ! Entre chaque chanson, en effet, on place un petit texte pour remettre les morceaux dans leur contexte – historique ou légendaire, social, politique ou culturel –, dire ce que dit la chanson quand elle est dans une langue africaine. Ainsi, ça reproduit un peu le principe de l’émission, qui est d’utiliser la musique pour raconter l’Afrique pour mieux la comprendre.

En donnant des clés de lecture, on permet de briser beaucoup de clichés sur l’Afrique : la corruption, le pouvoir aux militaires, la pauvreté… Oui, il y a tout ça, « on ne peut pas cacher le soleil avec sa main » comme on dit chez moi. Mais on veut aussi montrer qu’il y a de nombreuses voix sur le continent qui s’engagent pour faire avancer les choses, en faveur de la démocratie. Qui dénoncent les vilénies des Africains eux-mêmes, de la mentalité de colonisés dont ils n’arrivent pas à se défaire. Fela Kuti, par exemple, s’est attaché surtout aux conneries des hommes politiques africains, nigérians en particulier. Tout en dansant !

Autre exemple, cette chanson ivoirienne d’Alpha Blondy, « Boulevard de la mort ». Pourquoi ce titre ? Parce que, pour impressionner le président français attendu en visite d’État, le président Félix Houphouët-Boigny avait fait construire le boulevard Giscard-d’Estaing, un immense boulevard de 15 voies sur 6 km à Abidjan, la capitale économique du pays. Du jamais vu là-bas, si bien que les habitants y roulaient à tombeau ouvert : on comptait un mort par jour à l’époque ! Derrière cette chanson, il y a un regard sur les aléas de la « Françafrique » et du néocolonialisme, mais aussi sur notre bêtise à nous, les Africains.

Quand on tire le fil, chaque chanson, même à danser, fait réfléchir à la condition humaine. Y compris les quelques non-africaines qu’on joue sur scène : un “Son” afro-cubain, ça rappelle l’esclavage. Pas pour pleurnicher, juste pour rappeler que, dans le ventre des bateaux, les esclaves sont partis aux Amériques avec leurs rythmes et leurs dieux. Ça leur a permis de survivre, et ça a aussi été à l’origine d’une grande partie de ce que l’Europe écoute aujourd’hui – le rock vient du blues, ne l’oublions pas !

Vous parliez de « musiques à transpirer ». Ça renvoie aux clubs à orchestres florissant dans les capitales africaines dans les années 1960, non ?
Tout à fait. Une grande époque pour la musique à danser africaine. On a toujours dansé partout, en Afrique, pour les travaux aux champs, les mariages, les rituels… L’entrée dans les clubs – souvent pour faire de l’animation pour les voyageurs, comme le Motel de Bamako, monté par la Société des trains – a contribué à faire émerger ces orchestres de musique électrifiée. L’idée, ça a été de faire de la musique pour danser toute la nuit. Pour entrer en transe, pour transpirer. C’est pour ça que je dis toujours « N’écoutez pas ceux qui vous disent de prendre des cours de fitness ! Venez au Bal de l’Afrique enchantée, c’est bon pour la ligne ! » (rires) •  

Recueilli par Sébastien Le Jeune

Samedi 23 mai, salle Bellegrave (Pessac), 20h30, 18-20€ (tél. 05 57 93 67 11, au Rocher et réseaux habituels), 22€ sur place. Et gratuit, dimanche, en ouverture de la Nuit blanche des 40 ans de Musiques Métisses à Angoulême (notre édition du 12 mai).

 


25 ans, ça se fête !
Si le « Bal de l’Afrique enchantée » s’annonce comme le point d’orgue de cette 25e édition (avec le groove sud-africain du trio vocal The Soil et le griot guinéen Kaabi Kouyaté en première partie), les Rencontres africaines ont mis les petits plats dans les grands pour les 25 bougies. L’essentiel aura lieu samedi autour du traditionnel marché africain, place de la Ve République (10h-18h) : une table ronde sur « l’émergence de l’Afrique, miracle ou mirage ? », un stage de danse avec la Cie Norbert Senou (sur inscription), une conférence musicale et un ciné-goûter. En ouverture, vendredi, un ciné-rencontre autour du doc de Laurent Chevallier sur le mythique Ibrahima “Kandya” Soli Kouyaté, « la voix d’or du Manding » – et le papa de Kaabi cité plus haut. Des événements “satellites” sont au programme dès ce mercredi (un conte à voir dès 3 ans à 14h30). Les détails sur www.pessac.fr/agenda/25es-rencontres-africaines.html

Photo : Soro Solo (à g.) : « Tout le monde peut danser, même Vlad ! (à dr.) Il a quelques notions acceptables. » © Julien Borel

 

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