Rencontres africaines de Pessac : Enchantée ? Eh bien dansez maintenant ! |
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Mercredi, 20 Mai 2015 06:00 |
Pour fêter en beauté leurs 25 ans, les Rencontres africaines de Pessac nous font un joli cadeau en invitant samedi, en partenariat avec le Rocher de Palmer, le « Bal de l’Afrique enchantée », déclinaison festive du rayon de soleil dominical de France Inter. Où l’on retrouve sur scène ses deux animateurs, Vladimir Cagnolari et Soro Solo. Entretien avec ce dernier.
Alors, le Bal de l’Afrique enchantée, pour reprendre la question sur votre site, « c’est quoi même ? » Vlad danse aussi ? On dit pourtant que « les Blancs ne savent pas danser »… Vous dites que vous dansez et chantez mais vous parlez aussi. Vous n’avez pas abandonné le côté didactique voire engagé de l’émission en passant de la radio à la scène… En donnant des clés de lecture, on permet de briser beaucoup de clichés sur l’Afrique : la corruption, le pouvoir aux militaires, la pauvreté… Oui, il y a tout ça, « on ne peut pas cacher le soleil avec sa main » comme on dit chez moi. Mais on veut aussi montrer qu’il y a de nombreuses voix sur le continent qui s’engagent pour faire avancer les choses, en faveur de la démocratie. Qui dénoncent les vilénies des Africains eux-mêmes, de la mentalité de colonisés dont ils n’arrivent pas à se défaire. Fela Kuti, par exemple, s’est attaché surtout aux conneries des hommes politiques africains, nigérians en particulier. Tout en dansant ! Autre exemple, cette chanson ivoirienne d’Alpha Blondy, « Boulevard de la mort ». Pourquoi ce titre ? Parce que, pour impressionner le président français attendu en visite d’État, le président Félix Houphouët-Boigny avait fait construire le boulevard Giscard-d’Estaing, un immense boulevard de 15 voies sur 6 km à Abidjan, la capitale économique du pays. Du jamais vu là-bas, si bien que les habitants y roulaient à tombeau ouvert : on comptait un mort par jour à l’époque ! Derrière cette chanson, il y a un regard sur les aléas de la « Françafrique » et du néocolonialisme, mais aussi sur notre bêtise à nous, les Africains. Quand on tire le fil, chaque chanson, même à danser, fait réfléchir à la condition humaine. Y compris les quelques non-africaines qu’on joue sur scène : un “Son” afro-cubain, ça rappelle l’esclavage. Pas pour pleurnicher, juste pour rappeler que, dans le ventre des bateaux, les esclaves sont partis aux Amériques avec leurs rythmes et leurs dieux. Ça leur a permis de survivre, et ça a aussi été à l’origine d’une grande partie de ce que l’Europe écoute aujourd’hui – le rock vient du blues, ne l’oublions pas ! Vous parliez de « musiques à transpirer ». Ça renvoie aux clubs à orchestres florissant dans les capitales africaines dans les années 1960, non ? Recueilli par Sébastien Le Jeune Samedi 23 mai, salle Bellegrave (Pessac), 20h30, 18-20€ (tél. 05 57 93 67 11, au Rocher et réseaux habituels), 22€ sur place. Et gratuit, dimanche, en ouverture de la Nuit blanche des 40 ans de Musiques Métisses à Angoulême (notre édition du 12 mai).
Photo : Soro Solo (à g.) : « Tout le monde peut danser, même Vlad ! (à dr.) Il a quelques notions acceptables. » © Julien Borel |