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François Morel, le vrai doux-dingue (interview) PDF Imprimer Envoyer
Mercredi, 27 Mai 2015 06:00

L’inénarrable François Morel débarque vendredi à Bordeaux avec un gros programme : une rencontre où l’on devisera sur le rôle du rire, et surtout deux représentations de son dernier spectacle, « La Fin du monde est pour dimanche », toujours fort de cette drôlerie tendre et poétique qui lui va comme un gant. Entretien.

 

Dans votre note d’intention, vous parliez d’une envie de faire un « spectacle existentiel ». Vous n’avez pas peur de faire un peu fuir les gens, qui pourraient penser à du “néo-sartrien” ?
(Rires) Oui, « existentiel », il faut le mettre avec autant de guillemets que possible. Disons que j’avais envie d’un spectacle qui soit autant pour rire que pour parler de choses qui nous touchent tous – la vie, la mort, le temps qui passe, le bonheur… Quelque chose d’un peu profond, consolateur peut-être, mais surtout joyeux. Il n’y est pas question d’actualité ni de politique politicienne, j’avais envie d’écarter les thèmes que j’aborde dans mes chroniques radio. Une façon de réunir des gens qui ne votent pas forcément comme moi, des gens différents de moi, pour nous dire qu’on peut quand même passer un moment agréable pendant cette fin du monde.

Vous parliez du temps qui passe – la métaphore des jours de la semaine comme étapes d’une vie est filée tout au long du spectacle. C’est déjà une question qui vous préoccupe ? Vous en êtes où, vous, au mercredi ?
(Rires) Vous êtes flatteur. Mais c’est vrai, on ne sait pas : avec les progrès de la science, on finira peut-être tous centenaires, voire on vivra jusqu’à 120 ans. Qui sait, j’en suis peut-être à mon mardi soir. Cela dit, j’ai 55 ans alors je ne suis plus tout à fait un perdreau de l’année, et puis je crois que cette question nous travaille tous. D’ailleurs, c’est marrant de voir que les gens, en sortant du spectacle, se font souvent la remarque, se demandent « et moi, quel jour je suis ? » Une fois, j’ai même entendu un enfant dire à sa grand-mère « moi j’en suis au lundi alors que, toi, déjà samedi soir ». Cruel !

Ce qui frappe dans vos spectacles, et celui-ci en particulier, c’est cette gentillesse, cette tendresse, qui appellent certains à vous comparer à des Bourvil, Sempé ou Devos…
C’est vrai, on me fait souvent la remarque mais c’est que ce sont vraiment des références pour moi. Bourvil, je m’en sens quand même assez différent, bien que nous soyons tous deux Normands – je crois que notre absence d’agressivité appelle la comparaison mais ça s’arrête là, je crois. Sempé, en revanche, oui. Surtout depuis que je joue sur des grandes scènes : un petit personnage perdu sur un grand plateau, qui parle à l’immensité, qui se pose des questions trop grandes pour lui… Il y a du Sempé là-dedans, un mélange de poésie et de drôlerie. Et, oui, il y a du Devos, surtout à la fin du spectacle quand je joue avec les mots et le public. Encore quelqu’un que j’admire – je lui avais même consacré un bouquin.

Quand vous campez cette caissière fan de Sheila, c’est un clin d’œil délibéré aux Deschiens ?
Bien sûr ! Les Deschiens, ça fait partie de moi – il faut se souvenir qu’on partait sans texte préétabli, donc tout venait de nous-mêmes. Et je n’ai pas tellement changé alors un petit clin d’œil sur une heure trente de spectacle, ça pouvait s’envisager, surtout que ça collait avec ce que j’avais envie de raconter. Comme à l’époque, je ne m’interdis rien – c’est drôle de mettre une robe de dame pour jouer cette caissière !

Macha Makeïeff [co-créatrice des Deschiens avec Jérôme Deschamps, ndlr] a tout de suite pensé à Monique, la caissière de supermarché des Deschiens. C’est une belle référence, je trouve. Qui me suit encore un peu partout : l’autre jour, un steward m’a demandé si j’avais bien pris ma dose de Gibolin ! (rires)

Là, il y a l’ambition de tout mettre en œuvre pour « faire spectacle » : vous chantez, vous dansez, au milieu d’une scéno lumières à grands renforts de vidéos signées Thierry Vareille…
Oui, j’ai même un metteur en scène, Benjamin Gaillard. J’ai voulu prendre le temps de monter ça comme au théâtre – mais ma principale ambition ou envie, c’était d’abord de ne pas refaire le même spectacle que le précédent. Là, la vidéo prend un rôle important, elle donne de l’unité à ces histoires disparates. Avec elle, on peut passer facilement d’une scène de campagne à une petite cuisine de fan de Sheila.

Après, dire que je danse, c’est un bien grand mot ! Je fais deux-trois pas, et je précise bien dans la chanson que je n’ai pas de grande ambition de danseur. Ça n’a pas empêché Marcel Amont de venir me voir après le spectacle pour me dire : « Tu es un bon chanteur, un comédien formidable mais, comme danseur, t’es minable ! » (rires)

À l’occasion de votre passage à Bordeaux, vous participerez aussi à une rencontre philo organisée par Mollat au Glob Théâtre sur le thème « À quoi bon rire ? »* Est-ce une question importante dans l’après-Charlie ?
Vous savez, c’était déjà une question qui m’intéressait avant le 7 janvier. Le rire a toujours – depuis l’école – été pour moi une façon de toucher les autres. Je conçois mal l’humour sans profondeur, et je crois que les spectateurs sortent d’une salle un peu frustrés s’ils n’ont fait que rire, sans réfléchir. Les spectacles qui m’ont le plus marqué sont ceux qui m’ont changé, qui m’ont chargé d’humanité pour les jours qui suivent. Qui m’ont donné du bonheur mais aussi des idées et du courage. La question est très intéressante, bien que j’y apporterai des réponses, non pas de philosophe, mais d’ouvrier du spectacle… • 


Recueilli par Sébastien Le Jeune

Au Fémina, samedi 30 mai à 20h30 et dimanche 31 à 17h, 36-39€. Tél. 05 56 48 26 26 et réseaux habituels.

* Au Glob Théâtre, avec le philosophe Pierre Zaoui et la sociologue Marie Duret-Pujol, vendredi 29 à 18h30, entrée libre. www.mollat.com

Photo : « Marcel Amont m’a dit : “Tu es un comédien formidable mais, comme danseur, t’es minable” (rires) ». © Manuelle Toussaint

 

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