Monumental ! Avec sa grande exposition de l’été consacrée à Michel Majerus, le moins que l’on puisse dire est que le CAPC a vu les choses en grand.

Il faut dire d’emblée que l’artiste luxembourgeois installé en Allemagne était coutumier des oeuvres de grande taille – pour ne pas dire gigantesque. La pièce maîtresse de l’exposition n’est-elle pas «If You Are Dead, So It Is» (2000), une peinture épousant la forme d’une rampe de skate de 43 mètres de long ? «Une pièce majeure et la plus grande conçue par Majerus, dont c’est seulement la cinquième présentation dans le monde, précise Alexis Vaillant, curateur au CAPC. Bien peu de lieux en France disposent d’ailleurs d’un espace suffisant pour son installation.»

Autre motif de fierté qui rend cet “accrochage” unique : c’est le premier déploiement de «Reminder», l’autre pièce monumentale présentée, une acquisition du Fonds national d’art contemporain mis en dépôt au CAPC en 2007. Enfin, force est de constater que Majerus n’avait jusqu’ici jamais vraiment été exposé en France.

Courte et fulgurante carrière
Peut-être «parce que le marché français reste rétif à ces oeuvres très ancrées dans les cultures vernaculaires». Entendre que Majerus, héritier tout autant que questionneur du pop art – il cite volontiers Warhol ou Basquiat – pioche allègrement dans tous les codes culturels populaires, des magazines aux publicités en passant par le dessin animé et le cinéma. Avec un accent particulier porté aux fruits des débuts de l’ère digitale et de l’avènement du “monde-écran”.

Rien de plus normal pour un artiste dont la carrière brève et fulgurante (il est décédé dans un accident d’avion en 2002 à l’âge de 45 ans) est balisée par la naissance d’Internet au début des années 90 et le 11-Septembre, en 2001, qui lui inspirera «Pathfinder», grande sérigraphie sur vinyle représentant un King Kong sur un toit d’immeuble façon comics américain, barré de bandes fluo et surtitré «pardon»...

Que comprendre ? Là comme dans toutes ses autres oeuvres, le plasticien s’emploie à brouiller les pistes : sa grande variété de styles (en a-t-il un ?) qui bouscule les codes du marché de l’art, sa maîtrise quasi commerciale du langage, son goût pour les superpositions, les amalgames, les agglomérats, son emploi de la répétition, de la déclinaison et du sampling... Autant de chausse-trapes qui rendent son travail aussi foisonnant que déroutant.

Du skate sur une oeuvre d’art
Fort heureusement, au-delà d’un vaste travail de “débroussaillage” qui l’a aménée à ne retenir qu’une trentaine d’oeuvres sur les 1 500 que l’artiste a produites en à peine dix ans d’activité, Charlotte Laubard, la directrice du CAPC et commissaire de cette exposition, a tenu à ce qu’un effort particulier soit porté sur la pédagogie et à la médiation. D’où l’importance du dispositif d’aide à la visite déployé afin de donner au public les clés pour décoder Majerus.

D’où également le lien étroit noué avec des acteurs du monde de la glisse qui proposeront démos et initiations au roller et au skate sur l’oeuvre d’art géante. Une façon de toucher d’autres publics, qui démarrera demain, de 19h à 21h avec une démo de skate du Team Vox, Santa Cruz & About donnée dans le cadre du Championnat du France de skateboard – qui a lieu à deux pas, au skate-park des Chartrons. Majerus lui-même aurait certainement adoré. •
Sébastien Le Jeune

À voir jusqu’au 23 septembre, tous les jours sauf lundis et jours feriés, de 11h à 18h (20h le mercredi), 2,50-5€.
Des visites commentées sont proposées les samedis et dimanches à 16h.
Tél. 05 56 00 81 50.