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Anniversaire du Rocher de Palmer : 30 + 5, et mille souvenirs PDF Imprimer Envoyer
Vendredi, 25 Septembre 2015 06:00

Après les 25 ans du Krakatoa de Mérignac en mai et avant les 30 ans de Rock et Chanson à Talence en octobre, c’est le tour du Rocher de Palmer d’avoir des bougies à souffler : 35 en tout, si on additionne les 30 de l’asso mère Musiques de Nuit (31 en vrai mais on ne va pas chipoter) et les 5 de l’équipement de Cenon. Ce qui vaut bien une grande “Nuit blanche” gratuite* demain – et un point avec son directeur artistique, Patrick Duval.
 L'interview en intégral.

 

On commence par une petite séquence « Souvenirs, souvenirs » ? Vos trois meilleurs souvenirs avec Musiques de Nuit, et les trois meilleurs au Rocher ?
Ha ! (silence) Pas facile, comme question. Pour la musique qu’il représentait, il y a eu Miles Davis, qu’on a réussi à faire venir pour le festival Jazz à Andernos. Tito Puente, qui avait transformé la salle du Vigean, à Eysines, en vraie salle de bal ! Michel Petrucciani, si impressionnant, si surprenant à chaque fois qu’on l’a fait venir. Pour son humour, sa personnalité. Je me souviens, la dernière fois, c’était à l’époque de son album solo sur Duke. On le faisait jouer au Fémina, où il y a un couloir entre l’arrière-scène et la rue, à ciel ouvert. En arrivant là, juste avant le concert, il a dit « installe-moi une table, je vais manger là ». Il a pris son repas, poulet-pinard bien comme il faut, dans une atmosphère de déconnade. Et une fois fini, il est monté sur scène : une heure et demie sans partition, à improviser sur les thèmes d’Ellington… Ça fait vraiment partie des moments marquants.

Au Rocher, je choisirai The Apartments. Un vrai choc ! C’était un soir où il y avait plusieurs concerts en même temps, je pensais juste passer par le Salon de musiques, et j’ai été littéralement happé. Il régnait dans la salle une ambiance d’écoute très particulière, je n’ai pas pu repartir. Après, j’ai acheté tous leurs albums et je les écoute toujours. Il y a eu aussi le premier concert de Magma, quatre mois après l’ouverture. C’était un vrai plaisir de les avoir « à la maison », après les avoir fait jouer plusieurs fois pendant notre période itinérante avec Musiques de Nuit. Enfin, il y a ce très grand moment pour moi qu’a été l’ouverture du Rocher. Il y avait un monde fou, plein de gens que je n’avais pas vu depuis longtemps. Et c’était surtout une reconnaissance, une marque de confiance, autant qu’un défi – on pensait que ce ne serait pas simple !

Justement, est-ce que le Rocher d’aujourd’hui ressemble à celui que vous aviez imaginé quand on vous en a confié les rênes ? Y a-t-il eu des renoncements ? Des succès inattendus ?
À l’époque, je n’imaginais pas vraiment comment faire vivre ce bâtiment. Alors qu’aujourd’hui, le problème est surtout de freiner le trop-plein d’activités – j’en suis bien conscient et pourtant je me dis qu’il en faudrait encore plus pour en faire un vrai lieu de vie ouvert, comme l’ouverture le dimanche quand les gens ne travaillent pas… C’est compliqué mais on y arrive. Notamment parce que la complémentarité avec la mairie et l’EPLC** fonctionne bien : l’activité de colloques et de congrès profite de ce lieu culturel qui ne ressemble pas à un lieu anonyme, cela fait venir de grosses sociétés sur la Rive droite, à Cenon. Et à l’inverse, ça élargit encore le spectre des gens qui viennent découvrir le Rocher.

On a réussi à faire tout ce qu’on imaginait, même les choses les plus compliquées : par exemple, on s’était dit « on fera des soirées electro toute la nuit » et on l’a fait. Des renoncements ? Disons que, la Cabane du monde, au départ, on la voyait comme un lieu ressource pour les étudiants et on en a eu très peu. En revanche, le succès des siestes musicales était inespéré, et la Cabane a ainsi changé de destination. Une autre bonne surprise, c’est ce qu’on a réussi à accomplir avec les assos travaillant dans le champ social – pas simplement les “classiques” de la médiation, centres sociaux ou médiathèques, mais des associations s’occupant de gens en situation de handicap ou de grandes difficultés.

Vous parliez de trop-plein tout à l’heure, il y a eu aussi une année avec un déficit artistique… Est-ce tenable à terme ?
C’est vrai que, sur un exercice, la Ville de Cenon a dû nous soutenir. Bon, il faut savoir que l’activité de diffusion est par essence aléatoire. Et on sait que les domaines du jazz et des musiques du monde sont foncièrement déficitaires. Alors j’ai rééquilibré les saisons de manière à faire moins de ces esthétiques et plus de musiques dites “actuelles”. Je cherche des concerts qui vont remplir la salle 1200, comme Caravan Palace par exemple, pour compenser les pertes quasi certaines avec un Terry Riley dans la 650 ou Sylvie Courvoisier et Mark Feldman dans le Salon de musiques. Je n’ai jamais eu aucun état d’âme avec ça : une fois, on avait même fait les Chippendales pour rattraper le trou laissé par Jan Garbarek.

Il faut trouver cet équilibre, il en va de l’existence de la structure même. Il se passe plein de choses dans la jeune scène jazz – l’incroyable Kazami Washington par exemple, je compte bien le faire venir en 2016. Je veux qu’on puisse se permettre ça, défendre ce genre d’artistes qui, si on ne les fait pas, ne passeront jamais à Bordeaux. Après, on délaisse peu à peu les gens dans « l’histoire » de ces esthétiques. Un Brad Meldhau, on n’en a plus les moyens. On va ramer pour attirer 500 spectateurs quand l’Auditorium, avec sa force de frappe, pourra remplir plus de 1000 places. En plus, c’est cohérent avec son projet, c’est très bien comme ça.

Dans les colonnes des amis de « Junkpage » vous désigniez il y a peu la Smac d’agglomération (qui réunit le Rocher, Barbey, le Krakatoa et Rock et Chanson) comme un « label “coquille vide” ». Est-ce à dire que vous n’avez pas envie de travailler avec les trois autres ?
Pas du tout ! On passe notre temps à travailler avec les autres – en fait, on mène très peu de projets tous seuls. Ce que je critique avec ce terme de « coquille vide », c’est ce dispositif mis en place par le ministère à grands renforts de comm’ mais sans lui donner les moyens de fonctionner, comme c’est souvent le cas (voyez les activités périscolaires, par exemple…). On nous donne un cadre institutionnel, à peine de quoi payer le salaire de la permanente, et puis c’est tout. Pour moi, l’essentiel des efforts ne doit pas porter sur la diffusion, les coproductions de concerts – à moins d’un Antony & The Johnsons où il faudrait se mettre à deux ou trois… Mais sur le reste, comme l’accompagnement, l’action dans le cadre de la politique de la ville, les parcours scolaires… En cela nous avons des savoir-faire complémentaires. Et la Smac d’agglo a aussi vocation à s’ouvrir, autour des quatre : il faut faire une certaine place dans le dispositif à des assos comme Allez les filles, des lieux comme l’I.Boat, des écoles comme le Ciam. Ce travail a déjà commencé mais on ne nous donne rien pour aller plus loin.

Bon, et si on parlait un peu de la fête de demain ? Comment l’avez-vous imaginée ?
Il y avait l’envie de montrer la diversité des musiques que l’on défend, comme le hip hop de Beny le Brownies et de Grems dans le Salon, ou l’electro dans la 1200 avec Make The Girl Dance et The Toxic Avenger… Mais j’ai voulu aussi un clin d’œil à l’histoire dans la 650 : Christian Vander, de Magma, sera là avec son projet piano solo, Julie aussi. Il y aura aussi l’Ethnic Heritage Ensemble de Chicago, avec lequel on travaille depuis 1996 – on les a fait jouer dans les centres sociaux, des appartements, au Carnaval des deux Rives… Enfin, Gianmaria Testa qui, bien que malade, tenait à être là parmi nous pour cet anniversaire. Avec tout ça, on devrait avoir un brassage des publics et des tranches d’âge assez étonnant. •

Recueilli par Sébastien Le Jeune

* Plus d’invitations mais il restera des places au guichet à l’ouverture (premiers arrivés, premiers servis).
** EPLC : Établissement public local et culturel

Dès 16h, projections et siestes musicales à la Cabane du monde. Mixes dès 20h, premiers concerts à 20h30.
Tél. 05 56 74 80 00 et www.lerocherdepalmer.fr 

 

Photo : Patrick Duval © Archives Sud Ouest

 

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