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« En attendant Bojangles » : l’entretien avec Olivier Bourdeaut en intégral PDF Imprimer Envoyer
Mercredi, 17 Février 2016 06:00

Non content d’avoir signé un premier roman brillant, Olivier Bourdeaut est un auteur sympa et volubile. Des échecs du passé au succès présent, des éditions Finitude aux notions de folie et de cruauté dans ce conte moderne, l’interview en intégral.

 

 

« Télérama », « Le Point », « Dans quel état j’erre » sur France 2, presse, radio, télé sans compter les sites Web (Babelio, Atlantico, Publikart…), et pour couronner le tout une place parmi les cinq finalistes du Grand Prix RTL-Lire 2016 : tout le monde salue votre premier roman, le plaçant de loin en loin sous la filiation de Boris Vian. Ça vous étonne ?
“De loin en loin”, ça me va. Mes lectures de Vian remontent à quand j’avais 12-14 ans, c’est loin, et je n’ai pas de carte postale de lui affichée au-dessus de mon bureau, si vous voulez savoir. Mais oui, ça me surprend encore un peu, d’être ainsi pourri gâté par la presse, d’être gentiment bousculé pour assurer la promo. Quand je m’étais lancé dans l’écriture, je m’étais penché sur les ventes moyennes des premiers romans et j’étais tombé sur le chiffre de 350. Je me disais qu’il en fallait, du courage, pour passer des mois, des années, parfois pour si peu. Là, j’atteins déjà un tirage de 30 000 ! Ma chance, c’est aussi de rencontrer des libraires qui font un travail formidable autour de mon livre, et de croiser autant de lecteurs enthousiastes. C’est la première fois de ma vie que je ressens un tel “alignement des planètes” !

Que faisiez-vous auparavant ?
Avant, j’étais… Disons que j’ai toujours vécu à la marge, dans une sorte d’insouciance qui frisait parfois la bêtise. J’ai alterné des tas d’emplois farfelus dans lesquels j’étais plus ou moins compétent. Comme “ouvreur de robinets” – c’est l’intitulé exact ! – pour les vidanges des cuves de l’hôpital de Saint-Nazaire. Ou cueilleur de fleur de sel au Croizic – un métier poétique. “Factotum” dans une maison d’édition aussi… Un métier que j’aimais surtout pour le titre qui me rappelait Bukowski [c’est le titre de son 2e roman, ndlr]. Là où j’ai le plus insisté, ça a été dans l’immobilier…

Ça a été quoi, le déclic pour vous lancer ?
Eh bien, pendant tout ce temps, je n’arrêtais pas de fatiguer mes proches avec mes idées de bouquins. Alors, au bout du 100e échec, mon frère m’a hébergé dans sa maison sur la côte Atlantique. Il a mis à ma disposition un toit, un lit, un ordinateur et m’a dit « mets-toi à table maintenant ! » J’ai passé deux ans sur une première tentative, un pavé de 500 pages très sombre, cynique et violent. Refusé par les éditeurs mais avec quelques retours encourageants. Ces deux années à affiner ma technique, ma méthode, mon rythme, ma rigueur, c’est ça qui m’a permis d’écrire « Bojangles »… Et là, je voulais faire tout le contraire : plus court et surtout plus lumineux. Quand je vois le résultat, je suis très heureux d’avoir échoué jusque-là. J’ai toujours été un perdant satisfait et j’avais beau me dire « deviens adulte, sois responsable », je suis content d’avoir persévéré : je préfère réussir dans l’édition que dans l’immobilier…

Pourquoi le choix des éditions Finitude ?
Ce n’était pas mon premier choix, je l’avoue : je voulais tout de suite être édité par une grande maison parisienne ! Mais après avoir essuyé plein de refus – comme autant de coups de poing à ma mégalomanie –, j’ai commencé à regarder ailleurs. Il se trouve que je lisais Michel Déon à l’époque, et j’ai vu que Finitude avait publié un recueil de ses nouvelles. Et puis j’en avais entendu parler aussi avec le succès d’Oscar Coop-Phane. Leur très beau catalogue m’a beaucoup plu, ainsi que leur travail sur les couvertures et l’imprimerie. C’était avec le recul une “stratégie” plus heureuse : noyé dans une grande maison, mon livre n’aurait peut-être pas été aussi bien défendu.

Quelle part du roman s’inspire de votre vie à vous ? J’ai lu quelque part que, comme le narrateur [chez qui la télévision sert de punition], vous n’aviez pas la télé…
C’est vrai ! Et ce livre n’existerait sans doute pas si j’avais eu la télévision. J’avais le choix entre deux choses très bonnes pour les enfants : l’ennui ou la lecture. Pour le reste, ça n’est que très peu du vécu. Sinon quelques similitudes avec le narrateur : la dyslexie, le fait d’être gaucher, d’être largué à l’école… et cette propension à vouloir embarquer la maîtresse dans mes délires. À part ça, tout est le fruit de mon imagination : mes parents ne boivent pas dès le matin et ne dansent pas tout le temps. Sauf aux mariages.

Selon vous, faut-il nécessairement un grain de folie pour réenchanter le monde ?
Très bonne question. Non, je ne ferai pas de prosélytisme pour la folie. On ne peut pas inciter tout le monde à être dingue, ce serait trop le bordel. Il faut dans ce monde beaucoup, beaucoup de gens avec les pieds sur terre pour faire tenir le tout. Mais, quand même, quelques cinglés, ça ne fait pas de mal… Et je me mets dedans.

Il y a dans le dénouement (que l’on taira ici bien sûr) quelque chose d’assez amoral, de cruel. Ce qui achève de lui donner des airs de conte moderne…
Amoral ? Oui, peut-être. En fait, chaque retour de lecteur est différent, chacun y met ce qu’il veut et peut y voir plein de choses. Mais vous avez raison : au début, quand je voulais parler du livre, je le présentais comme un conte – un conte tendre, drôle, fantasque et mélancolique. Cruel aussi sans doute. Ce qui est sûr, c’est que je ne voulais pas signer un “feel good book”. Comme dans la chanson « Mr. Bojangles » qui m’a servi de béquille pendant toute l’écriture, il y a de la beauté dans la mélancolie. •

 

Recueilli par Sébastien Le Jeune

Photo : Olivier Bourdeault © DR / ÉDITIONS FINITUDE

 

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