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Oum, joyau du Sahara : en concert ce soir et en entretien ici PDF Imprimer Envoyer
Mardi, 15 Mars 2016 11:26

 

oumwebStar en son pays, la Marocaine à la voix d’or Oum débarque ce soir à Bordeaux, à la Rock School Barbey, pour l’une de ses deux seules dates dans l’Hexagone avec le New Morning parisien. En poche, son 2e album distribué ici (le 4e en réalité), l’étincelant « Zarabi » (Music Development Company) aux influences plus métissées que jamais. Entretien.


D’entrée, une chose intrigue dans votre parcours : comment avez-vous débuté la musique à Marrakech... par le gospel ?
C’est quelque chose d’assez exceptionnel : j’avais la chance de pouvoir pratiquer pas mal d’activités périscolaires au Centre culturel français (devenu l’Institut français) de Marrakech. Et une année, un intervenant a proposé de monter une chorale gospel. C’est comme cela que je me suis rapprochée de cet esprit du gospel. Je me suis mise à envier les catholiques qui peuvent célébrer leur amour de Dieu en musique et en danse, ce qui n’existe pas forcément dans notre culture. C’est d’ailleurs ce vocabulaire, cette énergie du gospel qui a inspiré mon premier single, « Humdullah » (« merci mon Dieu »), un titre qui montrait qu’on peut être Marocaine, née en terre d’islam, et chanter librement son amour de Dieu.

Au fil de vos albums, votre son s’est enrichi d’influences de plus en plus larges…
Comme je suis autodidacte, ma façon d’appréhender la musique dépend beaucoup des gens dont je m’entoure. À l’époque de mes albums “soul urbaine” des débuts, j’avais une formation de groupe amplifié classique. Et un jour, j’ai croisé la route de l’un des cofondateurs de Radio Nova qui m’a suggéré de rechercher une formation plus acoustique. Et il a eu raison : ainsi, j’ai pu faire une musique encore plus proche de ma vraie nature. « Soul of Morocco » retrouvait une soul plus authentique, plus jazz, mais s’ouvrait en même temps au gnaoua et au hassani [bédouin, ndlr]. « Zarabi » incorpore aussi des musiques afro-cubaines, qui ont pas mal de similitudes avec celles de la culture marocaine. Ça, je le dois aux deux musiciens cubains qui ont enregistré et tournent avec moi, en plus de mes deux instrumentistes marocains. Vous savez, je vois la musique comme un grand océan dans lequel on puise tous avant de reverser dedans. On n’invente rien, on amalgame simplement les choses dont on se sent proche.

Plus encore que dans « Soul of Morocco », les influences sahraouies sont très sensibles dans « Zarabi »…
L’une des raisons qui m’ont poussée à aller chercher plus loin dans mes racines a été ma participation au festival Taragalte, dont je suis devenue la marraine. Il a lieu chaque année à M’Hamid El Ghizlane, au sud-est du Maroc, et est consacré aux cultures des peuples nomades de tout le Sahara, depuis le Maroc jusqu’au Niger en passant par la Mauritanie, le nord-Mali, l’Algérie. Des cultures à la fois africaines et arabes, très riches en matière de poésie, de rythme, de musique, de danse… Moi qui suis d’ascendance sahraouie par mon père, ça me parle beaucoup. D’autant plus que ces peuples ont une façon de faire de la musique qui me ressemble : ils ne recherchent pas la performance, pour eux la musique est un mode de vie.

C’est là que vous avez enregistré l’album, en extérieur dans le désert. Avec ce titre, « Zarabi » qui veut dire “tapis”, un hommage aux femmes de ce village…
Oui, c’est dans cet esprit que nous avons choisi l’extérieur, où les sons du désert, le vent, les oiseaux, s’invitent sur le disque. J’avais très envie de porter la voix des femmes de cette communauté qui, dans cette vallée du Draa où le travail est rare, tissent des tapis à partir de vêtements récupérés. Ce qu’elles produisent sont de véritables œuvres d’art à la symbolique très forte, authentique et intime, comme si chaque nœud du tapis incorporait un peu de l’histoire et de l’âme des vêtements mais aussi un peu des joies, des douleurs ou des souvenirs de toutes ces femmes. Et ça ressemble un peu à ma manière de faire un album, en incorporant les cultures plurielles de mon pays et au-delà, un enchevêtrement de langues et de musiques. Enfin, il y a dans « Zarabi » une invitation à aller à la fois au-devant du désert, source de redécouverte de soi, d’imagination et d’humilité, et à la rencontre de ces gens qui l’habitent.

Je balbutie trois mots d’arabe, encore moins la darija, l’arabe dialectal marocain. De quoi parlent vos chansons ?
Rassurez-vous, tous les Arabes eux-mêmes ne comprennent pas toute la darija, truffée d’africanismes, de berbère, de mots issus de l’espagnol ou du français. C’est aussi l’un des dialectes les moins exportés dans la musique, ça me paraissait important de le faire entendre au monde entier… Alors qu’à mes débuts je chantais surtout en anglais ! C’est qu’il m’a fallu du temps pour aller vers ma langue maternelle, me rendre compte à quel point elle est malléable et rythmée, et qu’il y avait moyen de s’amuser avec.
L’album n’a pas de thème précis, je parle du désert et de ses nuits, des ancêtres, du souvenir, de l’exil… Mais aussi du désir féminin – le genre de thématique qu’on ne peut pas aborder trop directement avec les mots dans notre culture, tout juste à demi-mots. La musique permet d’en parler avec une certaine liberté. Les femmes du monde entier sont sujettes aux mêmes souffrances, aux mêmes désirs, il fallait que je puisse les dire dans ma langue… en douceur. C’est important pour moi, pour mon peuple, de montrer qu’une alternative est possible. •  
Recueilli par Sébastien Le Jeune
Ce soir à 20h30 à Barbey, 17,70€ (préventes via les  réseaux habituels), 20€ sur place.
Photo : Lamia Lahbabi

 

 

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