Attrapé au saut de l’avion, de retour de tournée en Italie avec Kader Attou du CCN La Rochelle, le danseur et chorégraphe hip hop Babacar Cissé, alias Bouba, a répondu à nos questions à la veille de la grande fête des 10 ans de sa Cie Les Associés Crew ce week-end à Cenon.

En relisant votre bio, la découverte de la danse hip hop avec l’émission télé de Sidney « H.I.P. H.O.P. », les sollicitations de chorégraphes – Anthony Égéa, Hamid Ben Mahi, Kader Attou, José Montalvo & Dominique Hervieu… – qui n’ont pas tardé, les premières créations avec votre propre compagnie, je me demandais : ça a été quoi, le déclic, pour vous lancer en tant que chorégraphe ?
Ce qu’il faut savoir, c’est que, dans la danse hip hop au moins, en tant qu’interprète on est rarement sollicité pour ses seules qualités physiques. On fait souvent appel à nous aussi pour notre expressivité, nos spécificités, ce qu’on peut apporter comme matière chorégraphique. Au bout d’un certain temps, on finit par engranger assez d’expérience pour aller plus loin. À un moment, j’ai eu envie de parler avec mes propres mots, ne plus seulement m’exprimer par le prisme d’un autre, me balader dans mes propres idées, inventer.

Je me souviens des tout débuts, quand on s’est retrouvé par un concours de circonstances à nous regrouper, entre gars qui aimaient danser ensemble. L’apprentissage, le travail, le peu de moyens… À l’ancienne. La naissance du premier spectacle « Être et renaître » et, un an après, le prix SACD Beaumarchais jeune compagnie à Paris : tout de suite ça a payé, et c’est ça qui m’a aidé, nous a aidé à garder la force qui fait qu’on est encore là aujourd’hui.

Vos pièces m’ont toujours donné l’impression que c’était plus que du simple hip hop…
C’est marrant, il y a beaucoup de monde à m’avoir dit ça, ou que ça ressemblait à du contemporain. Et pourtant, techniquement ce n’est que du hip hop ! Ça vient sans doute du fait qu’on associe beaucoup le hip hop à son image énergique, à son explosivité. Alors que, dans mes spectacles, c’est vrai que j’aime parfois prendre mon temps, étirer certains moments, travailler la qualité du mouvement, l’écriture dans l’espace. Ce qui peut donner d’autres qualités, d’autres couleurs… tout en restant du hip hop.

« An AmeriKKKan Dream », « Le Syndrome de l’exilé », « W o L v e S / La Meute »…  N’y a-t-il pas un dénominateur commun dans le propos ? Un message ?
Tout à fait. Ce qui me tient à cœur, c’est de travailler sur la question du rapport à l’autre. Une question qui en englobe beaucoup d’autres. Que je parle de réfugiés – la fuite de l’autre, la perte de soi, la quête spirituelle… – dans « Le Syndrome », d’histoire d’amour impossible entre un Noir et une Blanche sur fond de ségrégation raciale dans « AmeriKKKan Dream » (le “KKK” est évocateur), ou de considération de l’autre, de respect, de création de lien dans « W o L v e S », penser ce rapport à l’autre et à soi me paraît essentiel à une époque où on a plus que jamais besoin de faire du lien entre les gens. •

Recueilli par Sébastien Le Jeune

Deux jours de fête
Bouba n’est pas rentré tout seul d’Italie : deux danseurs pros de la Cie Accrorap de Kader Attou seront de la partie pour les spectacles de ce samedi après-midi où se mêleront pros et amateurs dès 14h30 dans le parc Palmer de Cenon. Temps fort, l’ouverture avec un aperçu de la suite de « W o L v e S / La Meute », qui passera du duo à un format 8 danseurs lors de sa création finale en février prochain. À 17h, sera projeté le doc de notre globetrotteuse Angélique Germain « Universal State of Mind ». Le tout, gratuit. (Pour des raisons techniques, la soirée du samedi au Rocher a dû être annulée).
Dimanche, place au Mix-Up #8, le battle de break international qu’on ne présente plus (13h30-18h, 5€) avant de finir en block party sur le parvis du Rocher avec DJ et graff live.

www.babacarcisse.com et Facebook : Les Associés Crew.

Photo : Avec ses Associés Crew, Bouba donnera demain un aperçu en avant-première de la version grand format (à terme, 8 danseurs) de « W o L v e S / La Meute » dont la création aura lieu en février. © RAS Production