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« J’aime faire rire avec le pire » : l'interview de Christophe Alévêque à la veille de sa venue au Fémina ce jeudi PDF Imprimer Envoyer
Mercredi, 18 Janvier 2017 06:00

Gros succès pour « Ça ira mieux demain », le one man show anti-sinistrose de Christophe Alévêque : déjà deux ans qu’il tourne ! Demain, c’est au Fémina que l’humoriste engagé débarque avec ses vannes et son piano. Entretien.

 

Le coup du piano, était-ce pour vous inscrire dans une certaine tradition française des chansonniers ?
Non, pas vraiment. En fait je l’explique au début du spectacle mais je ne peux pas trop en dire, c’est une surprise. Disons que le piano symbolise le rêve, l’espoir, dans un spectacle où je passe sans cesse de l’espoir au désespoir, du rêve à la résignation. J’observe les jeunes “tranquille t’inquiète” et leurs parents qui attendent le déclic… La génération des 20 ans d’aujourd’hui vue par le vieux con que je suis. Mais aussi la malbouffe, la crise, le réchauffement climatique… Comme une sorte de Don Quichotte qui refuse la réalité, la marche du monde – et ça me va très bien (rire).

J’espère, je désespère… tant et si bien qu’à un moment je finis par me résigner vraiment. « Pas de couilles, pas d’embrouilles » devient ma nouvelle devise et je me lance dans le stand-up centriste. Et puis à la fin je craque, ça part en feu d’artifice où je balaie l’actu comme les gens ne l’entendent jamais aujourd’hui, dans un esprit de liberté totale. Autant le reste est écrit, autant à la fin c’est à moitié – voire plus – improvisé, sans cadre et sans limite.

Votre fameuse revue de presse qui est là depuis vos premiers spectacles, je crois…
En effet. Au début j’avais ajouté ça pour éviter la routine. Et très vite je me suis aperçu que ces parties très improvisées étaient celles les plus en prise avec le moment, les plus en communion avec le public. C’est un format à tiroirs où je me plais à me perdre parfois – les gens rient énormément et c’est bien. Vu les deux dernières années plombantes qu’on vient de vivre, l’humour est plus que jamais une thérapie collective. Je crois qu’après mon spectacle, les gens ressortent plus légers.

Cette période de primaires et de présidentielle en vue, ça doit être du pain bénit pour vous…
Du pain bénit, oui… Malheureusement, j’ai envie de dire. Vu la situation politique du pays qui navigue entre navrante et désespérante, à droite comme à gauche, moi qui aime faire rire avec le pire, je suis servi. Quand on voit le niveau des primaires de la gauche, autant avant au PS tout semblait axé sur le vote utile, autant là j’ai peur que tout ce qu’on nous propose soit le vote inutile… Attention ! Pas question de jouer la carte « tous pourris » – on sait où ça mène… Là où je m’en donne à cœur joie, c’est en critiquant les pouvoirs, quels qu’ils soient.

Au fond, ce qui m’intéresse, c’est « et nous dans tout ça », faire ressortir les côtés ridicules en chaque chose et aider les gens à lire entre les lignes. Et pas que dans le domaine politique : dans notre époque si paradoxale, trop d’infos tue l’info (alors que trop de conneries n’a jamais tué un con). Tout va trop vite et les gens sont paumés.

Tout ça c’est lié en partie à Internet aussi. Internet “c’est génial MAIS…” J’en parle un peu dans le spectacle, et aussi dans un recueil de nouvelles sorti dernièrement*. Par le prisme de l’humour, j’évoque ses dangers et ses dérives : ce couple qui ne sort plus de chez lui, cette famille où tous sont autistes, ces personnages monstrueux que le Web peut générer. Et puis tous ces gens qui éprouvent le besoin de se sentir exister en lançant au monde entier leurs avis souvent nauséabonds – homophobie, racisme… On se rapproche dangereusement d’une sorte de pétainisme informatique…

Vous avez songé à vous engager en politique ? J’ai lu que vous aviez organisé un dîner avec Taubira, Duflot, Hamon l’été dernier pour chercher une alternative à gauche à Hollande-Mélenchon…
M’engager réellement ? Peut-être, un jour… En attendant, si je peux faire quelque chose, en particulier dans ce champ de ruines qu’est la gauche… L’histoire du dîner c’était ça : je pensais qu’un rassemblement autour de Christiane Taubira était possible et, après cette soirée, j’y ai cru, on n’était pas loin. Et puis très vite les batailles d’ego, les calculs politiques sont revenus au galop. Le problème, c’est que la politique française n’a pas assez de regards extérieurs en son sein, il y a trop de professionnels. C’est devenu un métier alors que ça devrait être une vocation…

Après, je me suis toujours engagé, en tant qu’artiste et citoyen. Depuis quelques années, par exemple, j’ai lancé la Fête de la dette [après trois éditions parisiennes, la prochaine aura lieu en juin à Marseille]. On y voit notamment un spectacle-conférence** écrit avec des économistes où j’explique de façon drôle la dette, d’où elle vient, à quoi elle sert. C’est important parce qu’on entend tout et n’importe quoi là-dessus, et l’ignorance est une usine à conneries fabuleuse. Se pencher sur le sujet, c’est débroussailler bien des paradoxes pour déclencher un rire que j’adore, un rire profond. Et d’un certain côté, il vaut mieux parce que dans ce domaine-là, si on ne rit pas on pleure (rire). Enfin, cette fête se termine par un “bal de la dette” et tous les bénéfices vont au Secours Populaire. •

Recueilli par Sébastien Le Jeune

Ce jeudi 19 janvier, au Théâtre Fémina, 20h30, 36-39€. www.box.fr ou tél. 09 72 39 29 99 (local).
* « Bienvenue à Webland » (Éditions Les Liens qui libèrent).
** « Le Tour de la dette en 80 minutes », à voir en mai au festival Les Cogitations joyeuses et festives de l'Entrepôt du Haillan.

Photo : Christophe Alévêque : « L’humour est plus que jamais une thérapie collective. » © Xavier Cantat

 

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