Télécharger Bordeaux7

L'édition PDF est mise en ligne tous les matins à partir de 7 heures. Cliquez sur l'image pour télécharger l'édition du jour.

Newsletter

Retrouvez-nous sur :

Facebook
Twitter
Flux RSS

Smac d’agglo : l’union fait la force PDF Imprimer Envoyer
Mardi, 26 Février 2013 07:00

Souffrante, la ministre de la Culture n’a pu venir à Bordeaux, manquant ainsi les Victoires, mais surtout la signature de l’acte de naissance de la Smac d’agglomération bordelaise – Smac d’agglo pour les intimes. Qu’à cela ne tienne, ce n’est qu’une question de temps, car les équipes, elles, sont déjà sur le pont pour imaginer le paysage musical de demain.


Le Krakatoa de Mérignac, le Rocher de Palmer à Cenon, la Rock School Barbey à Bordeaux, sans oublier le plus petit Rock & Chanson, à Talence : quatre lieux emblématiques du territoire sont virtuellement (ne manque plus qu’un paraphe ministériel en bas de page) réunis sous une même bannière, celle de la Smac d’agglo. Smac, en jargon de techno, c’est le petit nom des “Scènes de Musiques ACtuelles”, un label délivré par l’État aux structures remplissant une mission d’intérêt public dans ce domaine. C’est-à-dire qu’elles ne se contentent pas d’organiser des concerts mais accompagnent leur projet artistique de vraies actions culturelles et pédagogiques.


Si on met le tout bout à bout, ça fait 4 lieux et autant de projets artistiques, 7 jauges de 180 à 1 200 places, quelque 300 concerts par an pour plus de 120 000 spectateurs, plus 16 salles de répétitions, 700 élèves dans 2 rock schools, et environ 500 groupes locaux soutenus ! Rien que ça... Reste que ces quatre scènes et les associations qui les portent, souvent concurrentes dès qu’il s’agit de concerts, ont un long passé où la collaboration était plus l’exception que la règle. Pour faire travailler tout ce petit monde en bonne intelligence, les lieux se sont choisi une coordinatrice, Marie Le Moal, qui nous explique les tenants et aboutissants de cette expérience inédite dans l’Hexagone. 



Pourquoi une Smac d'agglo, à l'origine?
La SMAC d’agglo, c’est 4 scènes de musiques actuelles qui travaillent ensemble. C’est une reconnaissance par l’Etat et les collectivités du fait que ce qui se passe à Bordeaux dans le domaine musical, c’est singulier par sa diversité et sa richesse : c’est la première et la seule en France aujourd’hui. Les structures historiques du territoire ont toujours été très mobilisées à l’échelle nationale pour la reconnaissance du secteur, et le Rocher est venu compléter le tableau en 2010.

À ce moment, l’État a voulu mettre en place une Smac par département (et ce n’est pas gagné partout!), l’agglo bordelaise faisait figure d’étrangeté arithmétique: 4 Smac, c’était beaucoup. Le Ministère a proposé que les projets soient réunis. Mais impossible de les fondre dans un projet unique: ce sont des projets très différents et qui portent chacun des initiatives fortes et complémentaires avec des valeurs singulières. Ces forces, l’objet de la Smac d’agglomération est de les articuler pour faire jouer les complémentarités, renforcer la visibilité et l’efficience des projets. C’est aussi de défendre une vraie démarche audible de diversité culturelle et d’avoir un discours qui porte, pour avoir un effet d’entraînement sur le reste de la filière.

Qu’est-ce que ça peut apporter à ces lieux et à l’agglomération?
Aujourd’hui, ces lieux sont connus du public essentiellement pour les concerts. Mais les structures font un travail énorme dans plein d’autres domaines: l’accompagnement des artistes et des associations, l’éducation artistique, la transmission, la médiation, le travail en zone rurale… Ce travail est d’intérêt général, il est guidé par une conscience sociale forte, et est souvent mal identifié, par les publics tout comme par les autres professionnels de la filière musicale.

Les structures n’ont pas attendu la SMAC d’agglo pour travailler ensemble : il y a le Carnaval des 2 rives, la mutualisation d’emplois, des projets éducatifs partagés… Ce sont des chantiers qui existent déjà depuis longtemps, et de nouveaux se présentent, comme l’accueil du Primavera Club [l’un des plus grands festivals d’Espagne, notre édition du 17 janvier] à l’initiative de Barbey. Mais il faut encore construire un vrai espace de dialogue, qui tienne compte de la diversité de ces acteurs et permette de structurer les initiatives, pour faire en sorte que le territoire bordelais, qui jouit d’une créativité permanente assez remarquable, existe véritablement à l’échelle nationale voire internationale.

Et puis, quand on pose aujourd’hui la question de l’identité de l’agglomération, est-ce qu’une piste n’est pas dans le constat que la musique, c’est l’une des énormes richesses du territoire, peut-être même un liant essentiel de cette identité?

En quoi est-ce une initiative unique et originale? Quelles en seront les orientations?
D’abord parce que c’est la première fois qu’il y a une logique partenariale qui associe 13 signataires, l’ensemble des échelles de collectivité (les 4 associations, les 4 communes, la CUB, le Département, la Région et l’État). Ensuite, la Smac d’agglo est aussi une structure pionnière parce qu’elle reconnaît les originalités des initiatives. Ce ne sera pas une tour d’ivoire, mais une instance ouverte: il ne s’agit pas de faire une OPA sur le milieu de la musique dans l’agglomération mais de travailler avec. Avec les collectivités, avec les opérateurs du territoire.

Enfin, la SMAC d’agglomération est un protocole à géométrie variable, c’est-à-dire que, dès lors que deux salles sont impliquées, c’est aussi et déjà une action Smac d’agglomération. Travailler avec tout le monde oui, mais pas forcément faire travailler tous les membres de la Smac d’agglo ensemble sur tous les projets. Chacun conserve donc sa liberté de choix des partenaires avec lesquels il veut travailler sur tel ou tel projet.

Votre poste lui-même est totalement original…
Oui. C’est un poste de coordinatrice en emploi mutualisé via l’Agec (Aquitaine groupement employeurs culture), une structure initiée par le Krakatoa et Rock & Chanson avec le Rama – ils y partagent le temps de travail de deux régisseurs son et lumières, par exemple.
Ensuite, on me demande souvent «tu travailles pour qui?» «t’es basée où?» En fait, je suis en nomadisme permanent. je me balade entre les structures, je m’immerge dans chacune d’elles – en ce moment à raison d’un mois par structure – au cœur de leurs projets. Je n’arrive pas avec un projet artificiel, mais surtout avec de la bonne volonté et de l’enthousiasme (rires). J’apprends à les connaître, tous, car tout le monde peut être associé au projet. Je me dois d’être dans une adaptation permanente.

Ainsi, on n’a pas créé une superstructure qui englobe le reste. C’est plutôt un travail de mise en réseau et d’articulation, qui part des forces et des volontés qui existent aujourd’hui pour accompagner la mise en place de projets en contact étroit avec les équipes.

N'est-ce pas compliqué de travailler avec quatre patrons de salles aux priorités et aux personnalités différentes (et bien plus âgés que vous)?
J’apprends tous les jours à leur contact. Les directeurs ont eu des parcours d’une trentaine d’années chacun sur la scène musicale bordelaise. Et nécessairement, je travaille dans le respect et la cohérence avec la démarche artistique et culturelle inhérente au projet qu’ils portent depuis 30 ans.

D’autre part, je n’étais pas née quand Musiques de Nuit [l’association qui pilote le Rocher de Palmer, ndlr] a été créée. Mais comme on travaille une matière en permanente évolution, aujourd’hui à Bordeaux, on se trouve dans une période très intéressante d’échanges entre les générations, entre différents porteurs de projet. Et j’estime qu’il n’y a pas de réelle opposition de la génération fondatrice à l’échange avec les générations suivantes. C’est quelque chose qui se fait au quotidien dans les structures. Au sein de chaque structure, il y a des équipes d’âges différents qui alimentent les projets avec leur vision des choses et leurs idées.

Moi je suis une personne au milieu, non pas de quatre autres, mais de 80 autres! Et à cet égard, l’idée est de puiser dans les idées et les propositions de chacun afin de créer ensemble des projets en accord avec les démarches portées par les directeurs.

Les conventions ne sont pas encore signées mais vous êtes déjà au travail, n’est-ce pas?
Oui, nous avons déjà amorcé le travail de réflexion sur une vraie articulation de l’ensemble des activités menées par les 4 structures. La diffusion, mais pas seulement. Ça va de l’accompagnement (pratiques amateurs, artistes en développement, accueil en résidence) à l’éducation artistique, au travail de cohésion sociale, à l’information et la ressource… À  chaque fois, il s’agit d’aller plus loin à partir des compétences que chacun a de son côté, et de trouver comment les articuler.

Au niveau de la Smac d’agglo, il importe d’avoir un vrai réflexe coopératif. Est-ce qu’on peut pas faire mieux ensemble que tout seul? Sur un certain nombre d’enjeux sur lesquels on ne se parlait pas jusqu’alors, est-ce que ça ne peut pas nous aider tous? Les directeurs se connaissent, mais les équipes? Certaines se connaissent de manière informelle mais, si ce n’est pas la priorité affichée, travailler ensemble est parfois complexe.

La logique, c’est qu’il y ait un cadre qui permettrait de développer de nouveaux projets en augmentant la confiance. Ça doit devenir un réflexe, et même un objectif en soi, au nom de la valorisation du travail mené par chacune de ces équipes et au nom d’une éthique partagée de développement du territoire.

Et vous, quel est votre rôle là-dedans?
C’est un rôle de facilitateur. Au contact des équipes, j’arrive petit à petit à identifier des points de liaison possibles. Aujourd’hui mon rôle, c’est de les pointer, de dire « là, on peut faire quelque chose ensemble », et de faire de simples idées de véritables projets partagés.
Moi qui suis à l’articulation, je suis l’huile dans les rouages, je suis là pour faire en sorte qu’on développe des outils ensemble, afin de travailler plus facilement ensemble.

Et comme je ne viens pas à l’origine du secteur musical bordelais, mon rôle est aussi d’apporter un regard extérieur au seul milieu de la musique. Je suis persuadée qu’il y a des enjeux très forts que pourraient porter ces scènes-là. Par exemple, l’aménagement et la façon dont on voit la ville demain. Hormis le Rocher tout récent, les structures sont issues de projets nés dans les années 1980 et il faut à chaque fois voir comment faire évoluer ces projets en restant inscrits dans l’évolution de leur territoire. Et à ce titre, la Smac d’agglo apporte un éclairage différent, qui ajoute énormément sur l’évolution du territoire de demain. Les projets des villes, la métropole vont évoluer: comment se positionnent ces lieux-là dans un territoire en pleine mutation?

Et concrètement, pour le grand public, ça va changer quoi?
Il y a un préjugé qui est enfin en train de disparaître : l’idée que les musiques actuelles seraient forcément des “musiques de jeunes”. Or les gens qui ont commencé à écouter du rock dans les années 1970, on les voit toujours aux concerts, même avec les temps grisonnantes. Je préfère qu’on les voit comme des esthétiques générationnelles, et ces lieux-là s’adressent non pas seulement au “grand public” mais à tous les publics. Tout le monde fréquente les Scènes de musiques actuelles, quels que soient son âge, son revenu, sa catégorie sociale, ses goûts… Et avec Internet, les médias et les maisons de disques sont devenus de simples maillons de prescription dans un ensemble où tout un chacun peut s’exprimer.

Donc, nous avons vocation à être une vraie arène de débat, une agora qui associera aussi le grand public à la réflexion, notamment via le site Internet de la Smac d’agglomération avec des outils élaborés dans une logique de contribution. Il faut valoriser la capacité des gens à participer. Il faut que les gens s’approprient le site comme un outil de réflexion collective pour imaginer ensemble le territoire de demain. Sur bien des questions, la Smac d’agglo peut être un vrai laboratoire.

Y a-t-il de grands événements prévus en lien avec la Smac d'agglo? Peut-on imaginer un grand festival bordelais de musiques actuelles aussi visible que, par exemple, les Transmusicales de Rennes?
Il y a une grande réflexion actuellement dans la ville-centre pour savoir ce que pourrait être un grand événement culturel à Bordeaux. Ce qui me semble intéressant à réfléchir aujourd’hui, c’est de prendre conscience de la pulsation permanente qu’il peut y avoir sur le territoire, pas uniquement sur une logique ponctuelle, mais au quotidien.

Un gros festival de dimension nationale, ça ne peut pas se réfléchir en soi et pour soi. Derrière il y a un objectif, une ambition: ceux qui ont marché ont su valoriser une image de territoire là où il y en avait besoin.

À Bordeaux, il y a d’abord selon moi la recherche d’un vrai espace de rencontre, entre les collectivités et les opérateurs. Il faut d’abord établir un espace de confiance et de discussion pour formuler ce potentiel événement ensemble. • 


Recueilli par Sébastien Le Jeune

www.smacdagglobx.org



Pas une inconnue sur la place de Bordeaux
La coordinatrice du nouveau dispositif Smac d’agglomération bordelaise, Marie Le Moal, a fait ses classes sur les bancs de Sciences po Rennes, avec une prédilection pour «l’action locale» et «l’éthique sociale». Un an à l’ambassade française à Pékin à travailler sur l’année croisée France-Chine, un temps en Argentine dans l’action sociale, puis un crochet par la maison de disque Cooperative Music à Paris...
Mais, surtout, à 27 ans, elle n’est pas une nouvelle venue dans le paysage musical bordelais. En effet, elle a été plus de quatre ans la chargée de mission musiques, livre et cinéma au sein de la Direction des affaires culturelles de la Ville de Bordeaux, où elle a été en contact avec une foule d’opérateurs du territoire.
Parmi ses réussites les plus emblématiques, beaucoup de projets à l’international pour des artistes du cru, le pied à l’étrier à bon nombre d’associations – dont Allez les filles pour la création du festival estival Relâche –, la mise en oeuvre de l’installation du pôle livre et patrimoine à la résidence du Professeur Demons, la montée en puissance des scènes ville de la Fête de la musique, la concertation avec les acteurs culturels sur la vie nocturne et l’occupation de l’espace public ou encore le portage du dispositif Carte culture jeunes pour favoriser l’accès à la culture pour tous.

Photo : Comme d’autres équipes avant elles, les équipes d’accompagnement des quatre salles – le Krakatoa de Mérignac, ici à domicile, le Rocher de Palmer de Cenon, Rock & Chanson de Talence et la Rock School Barbey de Bordeaux – étaient déjà à pied-d’oeuvre la semaine dernière pour imaginer de nouvelles façons de collaborer. © SLJ

 

La Une du jour

Newsletter

Copyright © 2024 CNEWS Matin Bordeaux7. Tous droits réservés.