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Stéphane Eicher, dandy inquiet PDF Imprimer Envoyer
Jeudi, 14 Mars 2013 08:00

«L’Envolée». Le titre du dernier Stephan Eicher ne ment pas sur le contenu : album aérien et clair, mené à vive allure, heureux mélange de sensations, entre amour, liberté et apaisement. L’élégant reflet d’un homme, aussi, patient, sensible, passionné... préoccupé, parfois. Entretien à une semaine de son passage au Rocher de Palmer.


Après cinq ans d’absence, vous êtes revenu avec «L’Envolée», et des titres qui sonnent tantôt désabusés (“Le Sourire”, “L’Exception”), tantôt engagés, comme “Envolées”, ou “Disparaître” signé Miossec. Il y avait une envie de dire un sentiment de révolte?

À l’été 2008, j’étais assis, paisible sur un banc au soleil, j’ai lu un court article dans un journal financier que quelqu’un avait laissé là par hasard. Dans l’article, j’ai entendu pour la première fois le mot «subprimes» – ces crédits accordés par avidité des banques à des acheteurs sans argent pour des maisons trop chères en Amérique. Et puis ces crédits “pourris” étaient cachés dans du papier cadeau et revendus un peu partout dans le monde soutenus par des agences de notation financière, qui portent des noms bien choisis comme «Le Standard et Pauvre» (Standard & Poor’s) ou «Lunatique» (Moody’s), je vous laisse trouver vous même la rime en anglais pour «Fitch»... 
Quand les acheteurs de ces crédits ont remarqué que ces cadeaux étaient empoisonnés, c’était le déclencheur de cette crise qui commence maintenant à influencer même nos valeurs morales, nos structures sociales, le système démocratique… 


Parallèlement, il y a eu des changements drastiques dans l’industrie du disque (un autre mot bien choisi…). J’ai tenté de faire des liens, de comprendre, de m’éduquer… Le but de mon travail était de créer quelque chose qui calme, qui apaise, fait du bien mais en même temps nous rend alerte…



Une nouvelle fois, vous faites appel à Philippe Djian pour les paroles (et même pour une compo et une participation au chant!) Est-ce que vos rapports – et vos chansons ensemble –, vous les sentez évoluer au fil du temps?

Ce qui a encore approfondi notre relation était une tournée qu’on a faite en 2009-2010 sous le nom «Concerts littéraires» où je suis monté sur scène avec Philippe. Lui avait tous nos textes sous le bras, des textes qui sont devenus chansons et des textes qui étaient encore à finaliser, et moi j’ai amené ma guitare. Ces improvisations devant le public nous ont encore plus soudés. Philippe continue de me surprendre pour ne pas dire, de plus en plus. J’apprends énormément de ce garçon… Je suis tenté de l’appeler «le meilleur», et qui n’aimerait pas travailler en passant du temps avec «le meilleur»?



Vous avez travaillé avec le producteur-compositeur electro Fred “Avril” Magnon, ce qui ne se ressent pas de prime abord sur le disque. Qu’est-ce qu’il a apporté à votre musique?

J’étais fan très tôt en écoutant les premières sorties de l’excellent label français F-Com. Avril est d’un grand talent dans le choix des couleurs musicales. Son travail orgueilleux et risqué était un souffle d’air frais dans la scène française de l’époque. Pour ce disque je l’ai visité dans son studio d’appartement à Belleville, digne de la salle de commande dans «Star Trek» (la série TV, pas le film). Moi je cherchais des sons électroniques, lui voulait que j’amène une guitare acoustique… En écoutant le résultat je trouve ce malentendu du départ très inspirant… Peut-être c’est même ma définition de la création: de faire les bonnes fautes…



Mark Daumail, de Cocoon, paraît au départ être plus proche de votre univers – même s’il est jeune, il devait avoir moins de 10 ans quand vous avez sorti «Déjeuner en paix». Pourquoi lui? 


C’était une idée de ma maison de disques… Sur le papier j’étais moins séduit par cette proposition, je ne voulais pas retourner sur ce terrain folky… Mais après un dîner j’étais séduit par ce mélodiste hors pair. Ses choix et points de vue ont beaucoup amené à la couleur finale de «L’Envolée».



Au final, n’est-ce pas votre album le plus collectif?
Entre «Eldorado» qui est sortie en 2007 et «L’Envolée» j’ai participé à plein de projets différents qui partageaient tous cet aspect travail d’équipe. Un travail sur Jean-Jacques Rousseau pour la ville de Genève où j’ai dirigé une douzaine de collaborateurs, ou la musique d’une pièce de théâtre avec mon ami et écrivain Martin Suter au Théâtre de Zurich. À midi, on était plus de 50 dans la cantine… J’ai adoré… Le futur appartient à la collectivité! – je n’ai pas dit «globalisation» bien entendu…





À quand un album avec vos propres textes? L’envisagez-vous?

C’est un projet qui me hante depuis des années… La boîte qui contient les esquisses est en train de déborder. Deux solutions: un hiver rude où ils pourraient amener un peu de chaleur dans une cheminée ou un coup de pied dans mon derrière…



Ce sont les Canadiens Michael Dumontier et Neil Farber, deux des fondateurs de feue la Royal Art Lodge, qui signent la pochette...

Là, encore une fois, on retrouve cette nouvelle tendance très séduisante de travailler en collectivité. Dans la musique c’est commun, dans l’art, la littérature beaucoup moins. J’étais touché par leur travail minimaliste, humoristique, de peintures de petite taille, que j’ai découvert dans une expo à Bruxelles. Je trouve leur travail très proche du songwriting.



L’album dure en tout et pour tout 34 minutes, soit 3 minutes grand maximum par titre – alors qu’on a l’impression que des morceaux comme «Morge» ou «La Relève» pourraient reprendre leurs motifs et durer facilement 2 minutes de plus. Pourquoi ce choix?

Si vous avez eu la chance d’être né sur la côte nord de cette planète (préférable encore pour quelques années au moins), sur la côte ouest, vous avez peut-être remarqué qu’on a trop de tout sauf du temps… J’ai pris en compte ce phénomène dans mon écriture. J’aime bien me forcer à faire court, je n’ai pas trop l’habitude en musique mais j’espère que ça donne à l’album un côté urgent…



Est-ce à dire que vous faites un live très court?

J’essaye de ne pas devenir bavard musicalement sur scène… Je garderai la place gagnée pour jouer plus d’anciennes chansons, même des œuvres un peu oubliées…



Vous souvenez-vous de concerts (bons ou moins bons), de passages à Bordeaux en particulier?

Oui, la première fois où j’ai joué à Bordeaux, c’était dans un club qui s’appelait Le Babylone, si mes souvenirs sont bons. La programmation était plutôt rock alternatif et punk (quelques jours avant moi il y avait eu les Red Hot Chili Peppers). Les 12 personnes dans la salle étaient surprises de voir un mec seul avec une guitare rockabilly des années 50, entouré des boîtes à rythme… Après j’ai joué au Chat Bleu, un autre club qui contient mon ADN… • 


Recueilli par Sébastien Le Jeune

Jeudi 21 mars, au Rocher de Palmer, à Cenon, 20h30, 32-36€. Tél. 05 56 74 80 00. http://lerocherdepalmer.fr/

Photo : «Mon but : créer quelque chose qui calme, qui apaise, fait du bien mais en même temps nous rend alerte.» © Benoît Peverenni

 

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