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Jean-Louis Murat, ombres et lumière PDF Imprimer Envoyer
Jeudi, 04 Avril 2013 08:00

Être discret et grande gueule à la fois n’est pas la moindre des contradictions chez Jean-Louis Murat. Patiemment, le prolifique “barde auvergnat” construit une des plus riches discographies de la chanson actuelle. Dans son nouvel album «Toboggan» (Pias), les mélodies apaisées servent d’écrin à une plume toujours plus étincelante. Entretien à quelques jours de son concert au Rocher de Palmer.

J’ai lu en préparant l’interview que vous aviez de grands projets pour ce nouvel album: vous envisagiez de travailler avec John McEntire, de Tortoise. Finalement, ça ne s’est pas fait, et vous avez préféré cette formule bricolée tout seul chez vous en Auvergne. Pourquoi ce revirement?
C’est pour des raisons économiques, ce n’est qu’ensuite que j’y ai plaqué des raisons artistiques dessus. Je sais pas si vous avez remarqué, mais il n’y a plus de pognon dans ce business. Alors on est obligé de faire des choses pour pas cher.

Vous n’avez pas peur que ça renforce encore votre réputation d’ours solitaire?
Alors là, je m’en fous de ma réputation! À force, vous devriez le savoir: je m’en contrefiche.

Même sur des ritournelles plus légères, vous arrivez à glisser dans le sombre: je pense au «Chat noir», au côté médiéval traditionnel qui rappelle «Au mont Sans-Souci». S’il y a un chat qui cabriole, il faut forcément qu’il soit noir?
(Rires) Oh non ! Mais il se trouve qu’on a un voisin paysan qui a un chat noir, qui n’arrête pas de venir nous emmerder. J’en ai fait ma tête de turc, mon obsession. Dès que je sors, je cherche le chat noir, et ça fait bien marrer mes enfants. Mais s’il avait été roux, la chanson se serait appelée «Le Chat roux»...

L’album est parsemé de bruits de jouets, très “bricolo”, qui évoquent un peu la musique de CocoRosie...
C’est ça de travailler avec de jeunes enfants dans les pattes. On est vite tenté de leur piquer tous leurs jouets (rires).

C’est un très bel album, très fouillé, très uni. Assez froid aussi, sombre sans être triste. Où l’on retrouve la neige, l’hiver, omniprésents...

C’est-à-dire que je l’ai écrit en novembre-décembre, une période où «tiens, il neige», je me le disais tout le temps. Mon écriture est très imprégnée de ce qui se passe autour de moi. Je pense que s’il avait fait beau, j’aurais parlé du beau temps. Mais ça n’aurait pas tout changé fondamentalement au point d’être gai. Je ne crois vraiment pas que l’été soit plus gai que l’hiver. Il n’y a que les Parisiens pour penser des conneries pareilles...



«Toboggan», le titre de l’album, en appelle à l’enfance. Mais elle évoque aussi la descente, non?

Bien vu. C’est un album qui parle de glissade. Pas juste une glissade personnelle, mais une notion plus large de descente incontrôlée. J’ai l’impression que le monde est pris dans une grande glissade générale sans personne qui la contrôle. Et on ne sait pas où ça va s’arrêter.



Une dégringolade qui se termine avec «J’ai tué parce que je m’ennuyais», qui fait penser à l’acte gratuit dans «Les Faux-monnayeurs» de Gide…

C’est tout à fait ça, et ça va au-delà de ça. On n’est plus dans le gratuit, la curiosité. Je crois que, dans cette société, on a descendu tellement bas le niveau qu’on se fait chier, profondément – il n’y a qu’à voir le nombre de gens qui prennent des calmants. Le meurtre par ennui, c’est une vieille idée aux relents anarchistes qu’on retrouvait déjà chez Johnny Cash ou la littérature américaine, la figure de Billy le Kid. Dans la nouvelle littérature américaine, c’est devenu la règle: on tue à toutes les pages, et on n’a plus besoin d’une raison noble pour le faire. On tue pour le fun, on tue comme on irait sur Internet. Cette chanson, c’est une dénonciation de cet état nihiliste de notre société, où on se fait tellement chier qu’on est prêt à tout faire pour se désennuyer.



Sur cet album, vous avez tenté d’appliquer un conseil de votre ami Robert Wyatt, qui vous incitait à vous «débarrasser des oripeaux du rock»…

Oui, ça faisait longtemps que j’en avais envie. Le postulat guitare-basse-batterie du rock traditionnel, j’en ai tellement soupé ! Mais que voulez-vous ? Il y a toujours un musicien pour vous rattraper et plaquer des choses dessus. C’était le piège à éviter et, là, j’ai essayé de tenir cette ligne sur la longueur – il n’y a, par exemple,qu’un seul titre avec batterie.
Et sur scène, ça ne vous oblige pas à les retravailler totalement ?
Si, d’autant plus que j’emmène avec moi un percussionniste/batteur. Comme je n’aime pas me répéter, je fais peu d’anciens morceaux – je sais bien que le public aime ça mais moi j’aime pas, et comme ce que je pense m’importe plus… De la même manière, ce que je joue c’est autre chose que l’album. Il y a au moins un tiers des chansons que les gens ne connaîtront pas ou ne reconnaîtront pas vraiment. J’espère qu’ils trouveront ça original et surprenant... •

Recueilli par Sébastien Le Jeune

Au Rocher de Palmer (Cenon), mardi 9 avril, à 20h30, 23-27€.
Tél. 05 56 74 80 00 ou www.lerocherdepalmer.fr

Photo : L’été, plus gai que l’hiver ? «Il n’y a que les Parisiens pour penser des conneries pareilles.» © Frank Loriou

 

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